Honoré DAUMIER (1808-1879)

Le Clown Paillasse,vers 1865
Crayon lithographique sur pierre
27,4 × 22 × 2,5 cm
Signé du monogramme inversé h.D
Sur la tranche inférieure 632
Vendu
Honoré Daumier est considéré aujourd’hui comme le plus important caricaturiste du xixe siècle. Depuis sa rencontre en 1829 avec Charles Philipon, directeur de la revue Silhouette puis du Charivari, l’artiste s’est imposé comme l’une des principales figures critiques de son temps. Sous le règne de Louis-Philippe, la publication de sa caricature du roi en Gargantua lui vaut une condamnation à six mois de prison. Daumier se fait connaître du public grâce à ses lithographies publiées dans les journaux. Le procédé lithographique consiste en l’impression à plat sur papier d’un dessin réalisé au crayon gras sur une pierre. Ces images largement diffusées permettent à Daumier de partager un certain regard sur la société et – au-delà de la pure satire politique – d’apporter un éclairage nouveau sur le petit peuple de Paris : blanchisseuses, ouvriers et acteurs de rue deviennent entre ses mains des héros du quotidien.
Daumier aime décrire le monde des saltimbanques et des bateleurs qui haranguent la foule dans Paris ou dans les allées de la foire du Trône. Figure incontournable de la rue, le personnage de Paillasse, un vieux clown hérité de la commedia dell’arte, apparaît tôt dans son œuvre. Dès 1834, une planche publiée par l’artiste dans La Caricature montre Louis-Philippe revêtu du costume de ce bouffon populaire. À partir de 1865, Daumier qui connaît d’importantes difficultés financières multiplie les dessins et les aquarelles représentant ce personnage déplumé auquel il s’identifie peut-être. Une aquarelle, conservée au Metropolitan Museum de New York, l’associe à une seconde figure costumée jouant du tambour en arrière-plan. Paillasse y est montré debout sur une chaise, levant les bras, un bout de tissus à la main, et criant sur les passants. Un dessin au lavis, propriété du musée Boijmans Van Beuningen de Rotterdam, reprend la même composition, mais sans la chaise. Jusqu’à présent, aucun tirage lithographique n’a été identifié sur ce thème précis. La découverte d’une plaque inédite témoigne cependant des intentions de l’auteur. Son dessin, virtuose et énergique, bien qu’inversé, s’avère très proche de l’aquarelle du Metropolitan. Quelques infimes différences sont pourtant à signaler : sur la plaque, le clown jouant du tambour à l’arrière-plan porte un bonnet à pointes et lève la main qui tient le maillet.
Les plaques lithographiques originales sont rares et celles de Daumier plus encore. Habituellement polie après tirage, chaque plaque sert plusieurs fois à condition de rester plane et en bon état. Celle-ci conserve d’ailleurs le souvenir d’un motif précédent : une grille de garde-corps transparaissant tel un fantôme. La pierre elle-même, à sa surface, présente une longue fêlure qui débute en bas à droite et s’arrête à quelques centimètres du bord opposé. Peut-être est-ce ce défaut apparu avant tirage qui, rendant la plaque inutilisable, aura sauvé ce dessin original de Daumier.