Gustave DORÉ (1832-1883)

Paysage d’Écosse, vers 1873
Aquarelle sur papier
16,3 × 29 cm
Signé en bas droite G Doré
D’origine alsacienne, Gustave Doré fut peintre, sculpteur et graveur, mais reste pour la postérité le plus célèbre illustrateur du xixe siècle. Travaillant d’abord comme caricaturiste de presse, il rêve très tôt de se faire un nom. En 1861, il finance la publication d’une version illustrée de l’Enfer de Dante. L’immense succès commercial et critique de l’ouvrage lui assure le soutien des éditeurs pour ses illustrations de la Bible, des Contes de Perrault et des Fables deLa Fontaine, modèles d’imageries jamais vraiment détrônés depuis dans le cœur du public. Utilisées pour les versions anglaises de ces ouvrages, ses œuvres, largement diffusées, font de lui l’un des artistes français les plus célèbres outre-Manche.
Fort de cette notoriété, il effectue son premier voyage à Londres en 1868. Accompagné par son ami Blanchard Jerrold, journaliste au Daily News, il visite la ville jusque dans ses moindres recoins. L’artiste y retourne l’année suivante lors de l’installation au 35 New Bond Street de la Doré Gallery qui exposera ses œuvres jusqu’en 1892. Par la suite, Gustave Doré revient en Angleterre chaque année. En 1873, le colonel Christopher Charles Teesdale (1833-1893), écuyer du prince de Galles qu’il avait rencontré en 1868, le convie à une partie de pêche au saumon en Écosse. Les deux hommes quittent Paris pour Londres d’où ils prennent un bateau à vapeur et longent la côte jusqu’à Braemar. La découverte des Highlands, d’Aberdeenshire, de Balmoral et de Ballater marque Doré durablement. Négligeant la pêche, il se met à parcourir la lande avec enthousiasme pour dessiner. Ses aquarelles d’alors sont des œuvres à part entière que l’auteur ne destine pas à la gravure. Selon son ami Teesdale, « il travaillait avec tout et n’importe quoi. La pointe d’une plume, son doigt, l’ongle du pouce, tout était bon ».
Dans une œuvre datant probablement de ce séjour, Gustave Doré s’affranchit totalement du dessin, sur le modèle des artistes anglais, et aborde son sujet directement à l’aquarelle. Avec des taches de couleurs étirées, des éclaboussures et de rapides coups de pinceau chargés de pigments dilués, jaillit un paysage de lac écossais. Bordée d’un sol noir au premier plan et de terre rouge sur l’autre rive, l’eau claire est maculée de taches rosées, possible évocation des saumons que l’artiste rechigne à pêcher. La grande liberté dont il use dans cette aquarelle n’est pas sans rappeler celle des paysages noirs parfois relevés d’encre rouge que Victor Hugo aime dessiner. Les deux hommes avaient collaboré entre 1866 et 1867 pour l’édition anglaise des Travailleurs de la mer. La découverte de l’Écosse va durablement influencer le peintre qui, en 1878, expose à Paris un paysage à l’aquarelle et deux toiles inspirées par son séjour.