Georges CONRAD (1874-1936)

La Locomotive, vers 1900
Encre et aquarelle sur papier
48,5 × 29,8 cm
Signé à droite sur le motif G. CONRAD
Georges Conrad développe un talent certain pour le dessin dans sa jeunesse. Admis à l’École des beaux-arts, il interrompt ses études en 1895 pour répondre à ses obligations militaires. Alors qu’il est en garnison au 5e régiment du génie à Versailles, le jeune artiste entame une collaboration avec plusieurs journaux auxquels il fournit des illustrations. Des périodiques comme Touche à tout, Le Frou-frou et Don Juan publient régulièrement ses dessins. Les frères Charles et Jules Tallandier, nouveaux propriétaires du Journal des voyages, un hebdomadaire très populaire en cette fin de siècle, lui passent commande de nombreuses couvertures. En mélangeant récits réalistes d’explorateurs et fictions fantastiques publiés par épisodes, ce journal offre à Conrad une source variée de sujets hauts en couleur. Son style dynamique et narratif s’adapte parfaitement à l’illustration d’histoires racontant la découverte de pays lointains et exotiques à cheval, en bateau, en montgolfière ou en train. Moyen de locomotion le plus rapide de l’époque, le train tient une place particulière dans les récits d’aventures et donc dans l’œuvre de Georges Conrad, à l’image de la couverture du numéro 545 du Journal des voyages illustrant l’attaque d’une locomotive par des brigands, titré « Une évasion à toute vapeur ».
Pour un autre projet, l’artiste compose sur une feuille de grand format une image au premier regard énigmatique. Plongés dans l’obscurité d’un lavis d’encre aux effets nocturnes, deux yeux rouges nous regardent. Fixée à droite d’un panneau rectangulaire, cette paire d’ampoules sert de signalisation sur la voie d’un chemin de fer. Le temps de la surprise passé, petit à petit, certains détails apparaissent. Au loin, quelques bâtiments construits au pied d’une montagne marquent l’emplacement d’une gare alors que, sur la droite, le profil tronqué d’une locomotive se dessine en contre-jour. Quelques traits de gouache blanche mêlés à l’encre évoquent le brouillard ambiant et les fumées qui se dégagent de la cheminée nourrie au charbon par les conducteurs de la machine. En bas, la surface du papier laissée en réserve ménage un espace pour accueillir avant impression un paragraphe de texte. En l’absence de toute annotation ou mention, hormis la signature de l’auteur, il est très difficile d’identifier la destination de cette composition. Le regard contemporain associerait volontiers l’image de ce panneau de signalisation avec certaines figures du bestiaire surréaliste de Max Ernst et de Joan Miró peintes ou sculptées trente ans plus tard.
Malgré quelques rares envois à des salons de province, Georges Conrad consacre l’ensemble de sa carrière à la réalisation d’illustrations pour des livres et des journaux. Installé en Normandie, près de Rouen à partir de 1920, il aménage son atelier dans les combles de l’hôtel Méridien au Val-de-la-Haye.