Anne Louis GIRODET de ROUCY-TRIOSON (1767-1824)

Jupiter et Io, vers 1815-1820
Pierre noire et estompe sur papier 
20,1 × 16,1 cm
Provenance : ancienne collection famille Becquerel 
Œuvre en rapport : lithographie par Jean Joseph Dassy pour Amours des dieux, Paris, Engelmann, 1826, planche no 5

L’imagination de Girodet ne le cède en rien à celle d’Ovide; il a remplacé la poésie du langage par l’heureuse disposition des figures, l’élévation des formes, la richesse des accessoires. Partout se décèle un goût aussi sûr que délicat; et, jusque dans les attributs des divinités qu’il voulait représenter, on retrouve un génie créateur alors même qu’il imite.

Ces quelques lignes puisées dans l’avant-propos des Amours des dieux publié en 1826 chez Engelmann sont de Pierre Alexandre Coupin, critique d’art et fidèle ami d’Anne Louis Girodet décédé deux ans plus tôt. Plus loin dans le texte, l’auteur précise les motivations qui ont conduit à l’aboutissement posthume de ce projet : « Les dessins des Amours des dieux n’étaient pas tous complètement terminés lorsque la mort est venue trancher une vie si occupée, si remplie, si productive. Les élèves de Girodet, jaloux de la gloire de leur maître, devenue pour eux une sorte de patrimoine commun, se sont empressés de se réunir pour publier cette belle suite. La lithographie leur a paru le moyen le plus propre à reproduire les compositions de Girodet, telles qu’il les avait laissées. » Les élèves en question, au nombre de dix, étaient Jean-Baptiste Aubry-Lecomte, Henri Guillaume Chatillon, Salomon Guillaume Counis, Jean Joseph Dassy, François Louis Dejuinne, Pierre Delorme, Joseph Ferdinand Lancrenon, Jean Jacques Monanteuil, Antoine Claude Pannetier, et Marie Philippe Coupin de La Couperie, frère aîné de l’auteur du texte. 

Parmi les dessins laissés par Girodet à sa mort, celui illustrant Jupiter et Io est confié à Jean Joseph Dassy pour être traduit sur la plaque lithographique. L’ancien élève a, dans ce cas précis, respecté scrupuleusement le dessin de son maître, ne se permettant ni ajout ni variation. Dès le premier livre de ses Métamorphoses, Ovide raconte l’épisode durant lequel Jupiter métamorphosé en nuage séduit la belle Io, jeune prêtresse d’un temple d’Argos et fille du fleuve Inachos. Pour que sa maîtresse échappe à la jalousie d’Héra, Jupiter la transforme en génisse. Pour ce dessin, l’artiste s’inspire du célèbre tableau peint par le Corrège vers 1530 sur le même sujet et dont la composition fut largement diffusée par la gravure. Le couple, inscrit sur la diagonale, divise la page entre ciel et terre, domaine des dieux sur la gauche et monde des hommes sur la droite. 

Anne Louis Girodet, qui fut un illustrateur fécond, participa à plusieurs projets d’édition dont ceux des œuvres de Virgile et de Racine pour l’imprimeur Didot l’Aîné. Il fut également l’un des premiers « peintres classiques » à s’intéresser à la lithographie, nouvelle technique de reproduction inventée en Allemagne par Aloys Senefelder en 1796 et consistant en l’impression à plat d’un dessin réalisé au crayon gras sur une pierre.