Jean Baptiste Henri DURAND-BRAGER (1814-1879)

Panorama de Sébastopol durant la guerre de Crimée, vers 1855
Huile sur papier marouflé sur toile 
36 × 98 cm

À l’automne 1853, l’Empire français et le Royaume-Uni apportent leur soutien à l’Empire ottoman attaqué par la Russie en Crimée. Le 4 octobre la guerre est déclarée. Le conflit, qui se déroule essentiellement autour de Sébastopol durant deux ans et demi, s’achève par la défaite de l’Empire russe et la signature du traité de Paris le 30 mars 1856. Sur le modèle de la campagne d’Algérie quelques années plus tôt, la France dépêche certains de ses artistes au cœur des batailles pour rendre compte des succès de son armée. Correspondant de guerre, Henri Durand-Brager fournit des dessins au journal L’Illustration qui publie ses croquis au fil des événements militaires. Ancien élève d’Eugène Isabey, le peintre fait ses débuts au Salon de 1840 avec une marine : Bombardement en rade d’Alger. La même année, il fait partie d’une délégation chargée d’accompagner le retour des cendres de Napoléon de l’île Sainte-Hélène vers la France. Salon après Salon, le peintre s’impose comme le spécialiste des scènes de batailles navales et, en 1855, Napoléon III lui commande un monumental ensemble de toiles devant illustrer la guerre en Crimée. 

Une gravure publiée dans le journal L’Illustration : journal universel du 9 février 1856 montre l’artiste en costume militaire dessinant depuis une tranchée. Au cœur des combats, Durand-­Brager réalise des centaines de croquis et s’aide de relevés photographiques faits avec l’assistance de Pierre Lassimonne pour offrir à ses œuvres la plus grande objectivité scientifique possible. Destinées aux galeries de Versailles, les vingt et une toiles commandées par l’empereur sont présentées au Salon de 1857. Jules Verne, chargé de chroniquer les œuvres exposées pour la Revue des beaux-arts, s’attarde longuement et en termes élogieux sur le cycle de Durand-Brager qu’il décrit toile après toile. Chaque composition met en scène le siège de Sébastopol depuis différents points de vue. Treize de ces œuvres, généralement d’assez grand format, jusqu’à trois mètres de longueur, sont toujours conservées au château de Versailles. 

Une huile sur papier, de plus petite taille et restée en mains privées, montre la rade depuis l’intérieur des terres. Plus synthétique que le reste de la série, l’œuvre doit être l’étude préparatoire à l’une des compositions destinées au Salon. Peinte sur plusieurs feuilles marouflées sur toile, cette vue panoramique semble prise depuis le ciel. Si la partie gauche évoque les grandes représentations de scènes de bataille sous Louis XIV, celle de droite confronte avec une élégante économie de moyens l’ocre d’une bande de terre au bleu de la mer et du ciel en annonçant les évolutions stylistiques des peintres de la fin du siècle.