Jean Alfred DESBROSSES (1835-1906)

La Cour des comptes en ruine, vers 1890 
Huile sur toile
59 × 44 cm

Jean Desbrosses est né à Paris dans un milieu très modeste. Deux de ses frères, Joseph né en 1819 et Léopold né en 1821, ont choisi contre l’avis paternel de suivre une voie artistique, devenant respectivement sculpteur et graveur. À la mort précoce de l’aîné en 1844, Jean n’a que neuf ans. Forcé de trouver un emploi, il est placé comme apprenti tapissier dans les faubourgs. Initié très tôt au dessin par le peintre Antoine Chintreuil, un ami de ses frères, le jeune homme décide lui aussi d’embrasser une carrière artistique. Face à la déception de son père, il se réfugie chez Chintreuil auprès duquel il va entamer sa formation. Jean a alors quatorze ans et son maître trente-cinq. Les deux hommes partagent une vie de misère, logeant et déménageant ensemble, d’ateliers de campagne en mansardes parisiennes, au gré de l’infortune. D’abord intéressé par les scènes de genre rustiques, Desbrosses expose pour la première fois au Salon de 1861. Sous l’influence de son mentor, il se tourne rapidement vers le paysage et voyage en quête de motifs dans les Alpes et le Jura.

En 1870, au déclenchement de la guerre, les deux hommes quittent Paris et se réfugient à La Tournelle, une propriété située sur la commune de Septeuil au nord-ouest de Versailles. Quand il découvre la capitale en ruine, Jean Desbrosses est profondément marqué par la vision des bâtiments détruits par les flammes. Poursuivant sa carrière en présentant régulièrement ses paysages au Salon, le peintre se trouve esseulé lorsque Chintreuil décède le 8 août 1873. Il n’aura de cesse de faire reconnaître le talent de son ami et compagnon de route, consacrant beaucoup d’énergie à faire entrer certaines de ses œuvres au Louvre. Quelques années plus tard, Desbrosses entame une série de toiles consacrées aux ruines de la Cour des comptes dans l’ancien palais d’Orsay. Laissées à l’abandon, les pierres calcinées lentement envahies par la végétation attirent le peintre qui vient poser là son chevalet.

Installé dans une coursive, à l’entrée d’une cour du rez-de-chaussée, Desbrosses trace sur la toile une série d’arcades et les ornements qui ont conservé les traces de leur polychromie passée. La toiture absente laisse voir le ciel, alors qu’un parterre de plantes hautes couvre le sol. Les modénatures sculptées et les médaillons vides donnent à l’ensemble de ces ruines l’aspect d’une Pompéi moderne. Jean Desbrosses réalise plus d’une trentaine d’œuvres sur ce thème. Certaines sont reproduites dans le numéro 65 du Parisien de Paris en 1898 et une vingtaine de toiles sont acquises en 1899 par la Cour des comptes. D’abord accroché sur les murs du Palais-Royal, cet ensemble de peintures est aujourd’hui exposé rue Cambon, dernier siège de la haute juridiction. Le palais est finalement détruit en 1897 et ses restes dégagés pour laisser place aux travaux de la future gare d’Orsay dirigés par Victor Laloux. Sortie de terre en deux ans, la nouvelle gare est inaugurée pour l’Exposition universelle de 1900.