Georges Jules Victor CLAIRIN (1843-1919)
Ruines du grand temple de Karnak, vers 1895
Huile sur carton
41 × 33,5 cm
Dédicacé et signé en bas à droite à mon ami Jambon/G. Clairin
Vendu
« Le temple était à moi. J’en avais fait mon atelier.
J’étais le maître de ces architectures prodigieuses que le temps avait abîmées, mais où l’histoire subsistait. »
Propos prêtés à Georges Clairin par André Beaunier dans Les Souvenirs d’un peintre, Paris, 1906, p. 32
Ancien élève d’Isidore Pils à l’École des beaux-arts de Paris, Georges Clairin connaît ses premiers succès à la fin du Second Empire. Proche de l’actrice Sarah Bernhardt dont il peint de nombreux portraits, l’artiste reçoit des commandes officielles et collabore régulièrement avec les équipes du nouvel Opéra de Paris pour lesquelles il conçoit décors et costumes de scène. Grand voyageur passionné par l’Orient, Clairin visite l’Espagne, l’Algérie et le Maroc avant d’embarquer pour l’Égypte en 1895. À Marseille, juste avant de partir, il fait la connaissance d’Amaury de Lacretelle, consul de France à Jérusalem, qui propose de l’accueillir dans la Ville sainte. Durant la traversée, il rencontre l’archéologue Émile Amélineau, chargé des fouilles d’Abydos, et Achille Abbat, propriétaire de l’un des plus beaux hôtels du Caire qui l’incite à séjourner dans son établissement à son arrivée. Clairin y retrouve l’archéologue Jacques de Morgan avec lequel il organise son séjour et découvre le musée du Caire.
Dans la capitale, le peintre se mêle à la diaspora française et fréquente diplomates, savants et artistes puis, sur les conseils de Morgan, quitte la ville pour se rendre en Haute-Égypte par le Nil jusqu’à Louxor. L’ancienne Thèbes, située sur la rive orientale du fleuve, fut l’antique capitale d’une Égypte unifiée par les pharaons du Moyen Empire. Là, Clairin est reçu par Georges Legrain, architecte en charge de la restauration du site. Comme tous les visiteurs, le peintre est subjugué par Karnak, immense complexe religieux en ruine dont la construction s’est étalée sur plus de deux millénaires. Relié au temple de Louxor par la célèbre allée des sphinx, Karnak se compose de trois enceintes qui intègrent temples, chapelles, statues monumentales, pylônes et obélisques. La partie la plus spectaculaire du site est la salle hypostyle du temple d’Amon constituée de cent trente-quatre colonnes aux décors et à la polychromie en partie préservés. Initialement couverte d’un plafond ajouré, la salle de 103 mètres de long sur 53 mètres de large s’ouvre devant Clairin et prend l’aspect d’une gigantesque forêt de pierres.
Sur une plaque de carton, l’artiste trace au premier plan les restes d’un pilier effondré. Plusieurs ouvriers égyptiens, disposés autour de ce pilier, donnent l’échelle. Composé de trois tronçons sculptés, couverts de hiéroglyphes, l’élément qui culmine encore à plus de quatre mètres est plongé dans l’ombre, dominé par l’enfilade de colonnes dont les chapiteaux touchent le ciel à plus de vingt-trois mètres de hauteur. Majoritairement traitée en ocre et brun, l’œuvre est relevée de quelques touches de bleu pour le ciel et les costumes. L’effet choisi de contre-plongée place hors cadre le sommet de l’édifice, accentuant ainsi l’impression d’immensité du site. L’œuvre est dédicacée à son ami et collaborateur, le décorateur d’opéra Marcel Jambon (1848-1908).