Antoine-Laurent DANTAN, dit DANTAN AÎNÉ (1798-1878)

Portrait-charge de Jules Janin, 1840
Plâtre à patine bronze
22 × 19,5 × 15 cm 
Signé et daté sur le côté Dantan l’aîné. / 1840.

Frère du sculpteur Jean-Pierre Dantan, Antoine-Laurent, surnommé Dantan aîné, fait des études académiques à l’École des beaux-arts où il entre en 1816 et dont il sort lauréat du prix de Rome de sculpture en 1828. Formé par François-Joseph Bosio, il débute au Salon dès 1819 en présentant une œuvre au sujet classique : Télémaque portant à Phalante les cendres de son frère Hippias. Récompensé au Salon de 1835 par une médaille de première classe pour son Jeune baigneur jouant avec son chien qui est acquis par l’État, Dantan aîné accomplit une brillante carrière officielle ponctuée par des commandes aussi prestigieuses que régulières. À la même époque, son jeune frère, sans lui faire d’ombre, connaît la célébrité avec ses caricatures sculptées des personnalités du temps. Personne ne semblait pouvoir échapper au ciseau acéré de ce jeune frère facétieux. 

Écrivain à succès et farouche opposant de la famille d’Orléans, Jules Janin (1804-1874) devient en entrant au Journal des débats l’une des plumes acerbes de la presse française. Partageant le statut de rédacteur en chef du journal L’Artiste avec d’autres confrères depuis janvier 1839, il se charge de rédiger la critique des œuvres exposées au Salon. Cette année-là, Antoine-Laurent Dantan présente une sculpture monumentale, L’Ange Raphaël, commandée par le ministère de l’Intérieur pour être installée dans l’église de la Madeleine alors toujours en travaux. Jules Janin qui, malgré des articles fort développés, ne peut pas citer toutes les œuvres exposées, n’accorde qu’une ligne dédaigneuse à la statue de Dantan pour la qualifier de « décoration ». Peut-être est-ce par vengeance que Dantan aîné, imitant le goût de son jeune frère, décide de modeler à son tour une charge dont la victime sera le critique mal avisé. Représenté très largement en surpoids, assis dans un fauteuil à motif de paon devant sa table de travail, Jules Janin arbore le sourire de l’homme satisfait de lui-même. La sculpture regorge d’une multitude de détails propres à évoquer les différents travers du personnage : le mot venin est inscrit sur le contour de l’encrier, tandis qu’un châssis de toile renversée gît sur le sol près d’un buste de femme retourné. Un seau à champagne et sa bouteille, ainsi que des pièces d’or, traînent par terre. Aux titres des différents journaux posés sur le bureau du critique, le sculpteur ajoute les profils d’animaux peu avenants : corbeaux et serpents. Une tête coupée d’âne complète la composition. 

Ce tirage en plâtre patiné semble être un unicum et n’a laissé aucune trace ou commentaire dans la littérature d’alors. Pris de remords ou craignant d’entacher son image d’artiste sérieux, Antoine-Laurent se refusa peut-être à diffuser son œuvre comme son frère pouvait le faire avec ses charges exposées au « musée Dantan », passage des Panoramas.

Retour en haut