Pierre Henri RÉVOIL (1776-1842)

Vendu

Le Pâtissier sanglant,vers 1807
Encre et aquarelle sur papier
24,2 x 36,8 cm
Signé ou annoté sur le montage d’origine Révoil
Provenance : vente Lodoïx Monnier, Lyon, 15 mars 1906, n° 949
Bibliographie : Marie-Claude Chaudonneret, Fleury Richard et Pierre Révoil, la peinture troubadour, Paris, Arthena, 1980, n°205 : Cuisinier qui a découpé une femme en morceaux pour en faire des pâtés (catalogué comme « non localisé »

Vendu

« C’est de temps immémorial, que le bruit a couru qu’il y avait en la Cité de Paris, rue des Marmousets, un pâtissier meurtrier, lequel ayant occis en sa maison un homme, aidé à ce par un sien voisin Barbier, feignant raser la barbe : de la chair d’icelui faisait des pâtés qui se trouvaient meilleurs que les autres, d’autant que la chair de l’homme est plus délicate, à cause de la nourriture, que celle des autres animaux. » Jacques du Breul, Théâtre des antiquitez de Paris, 1612

L’artiste lyonnais Pierre Révoil, précurseur du style troubadour avec son compatriote Fleury Richard, affectionne les sujets rares qu’il aime puiser dans la grande et la petite histoire du Moyen Âge et de la Renaissance. L’affaire du pâtissier sanglant de la rue des Marmousets, dont les faits se seraient déroulés à la fin du XIVe siècle, est régulièrement reprise par les auteurs depuis le début du XVIIe siècle et connaît un regain de popularité lorsque Louis-Marie Prudhomme raconte l’épisode dans son Miroir historique, politique et critique de l’ancien et du nouveau Paris, et du département de la Seine publié en 1807. Révoil, qui va quitter la capitale pour accepter un poste de professeur à l’école des Beaux-Arts de Lyon, semble découvrir cette ténébreuse histoire et s’en inspirer pour un dessin. Tracée au lavis d’encre et aquarellée, la scène représente l’intérieur d’une cuisine. La composition centrée sur la figure du pâtissier qui s’apprête à franchir la porte du cellier détaille avec soin les éléments du décor. Sur la droite, de splendides pâtés sont étalés sur une table tandis qu’un chat, assis sur un tabouret, attend le départ de son maître en feignant de dormir. Un évier de pierre et un vaisselier garni de plats complètent cette partie de la pièce. L’espace ouvert tel un décor de théâtre permet de voir sur la gauche l’intérieur du garde-manger dans lequel le pâtissier entre pour choisir un morceau à cuisiner. Plongé dans une légère pénombre, les pièces de viande suspendues au plafond, plus humaines qu’animales, un bras de femme et une jambe, apparaîssent lentement à la lumière. En-dessous, placés sur le billot, les restes d’un cadavre s’échappent d’un large drap blanc. Quelques années plus tôt, des rumeurs macabres avaient circulé en Europe, associant les sans-culottes à des cannibales, et faisaient la joie des caricaturistes anglais, comme James Gillray. Pierre Révoil semble d’ailleurs dans ce dessin subir l’influence du style de Thomas Rowlandson, le plus célèbre des imagiers britanniques. 

En 1846 apparaît outre-Manche le personnage de Sweeney Todd, le barbier sanglant de Londres dont l’histoire s’inspire directement de celle du pâtissier de la rue des Marmousets. Le succès populaire de cette figure du folklore anglais, déclinée en roman puis en feuilleton tout au long du XIXe siècle, ne se démentira pas aux siècles suivant et trouvera sa plus célèbre interprétation sous les traits de Johnny Depp dans un film de Tim Burton, sorti en 2007.