Jean BILLAUD (1769-1846)

Vue intérieure de la Galerie Colbert, vers 1826-1827
Aquarelle et crayon sur papier
24 x 16 cm

Acquisition par la bibliothèque de l’Institut national d’histoire de l’art (Paris)

« Depuis que le nombre des voitures s’est accru à Paris d’une manière effrayante pour les piétons, l’industrie s’est imaginée d’ouvrir des galeries couvertes, des bazars où elle expose ses produits aux regards du public. Là, à l’abri du froid dans l’hiver, de la chaleur dans l’été, de la pluie et de la crotte dans toutes les saisons, et des accidents sans nombre qui menacent le promeneur dans les rues fréquentées, il peut, en sécurité, vaquer à ses occupations… » François Thiollet, Nouveau recueil de menuiserie et de décorations intérieures et extérieures, 1837 

En 1826, la société immobilière Adam et Compagnie fait appel à Jean Billaud. Oublié aujourd’hui, cet architecte originaire de Marans, près de La Rochelle, semble avoir principalement été chargé de remanier des bâtiments préexistants. Ce projet immobilier – un nouveau passage dans Paris entre la place des Victoires et le jardin du Palais-Royal – doit concurrencer la galerie Vivienne inaugurée trois ans plus tôt. Depuis la fin du siècle précédent, ces espaces couverts se multiplient dans le centre de la capitale. Après avoir acheté pour le détruire l’ancien hôtel particulier de Colbert, les promoteurs font aménager, derrière la façade surélevée, deux longs couloirs en équerre longés par des boutiques aux vitrines luxueuses et donnent au nouveau lieu le nom de Galerie Colbert. Billaud couvre l’ensemble par des verrières pour faire entrer la lumière et décide de bâtir une vaste rotonde de quinze mètres de diamètre à la jonction des corridors. Le décor intérieur, d’inspiration néoclassique, intègre de nombreux symboles qui évoquent le commerce. Sur une aquarelle représentant l’un des deux axes de la galerie, l’architecte met en avant ses choix chromatiques : rouge à l’imitation du marbre pour les bases, jaune pour le fût des colonnes et gris veiné pour les murs ; les corniches, moulures et médaillons sont peints en blanc sur des fonds violets. Des frontons suspendus rythment la verrière avec des motifs blanc et bleu entourés d’ocre et encadrés d’entrelacs rouges. Au fond, fermant la perspective, Jean Billaud esquisse le monumental candélabre en bronze qu’il a fait installer sous la coupole. Couronné de sept globes de cristal éclairés au gaz, l’objet est vite surnommé par les Parisiens le « cocotier lumineux ». Le musée Carnavalet à Paris conserve une autre aquarelle de l’auteur, plus détaillée, intégrant des personnages. Cette dernière a servi de modèle pour une gravure de Levelly imprimée par Engelmann à la fin des années 1820.

La Galerie Colbert ne rencontre pas le succès escompté et ne parvient pas à supplanter sa voisine la Galerie Vivienne. Abandonnée en 1975, elle est rachetée dix ans plus tard par la Bibliothèque nationale pour être entièrement rénovée et abriter différentes institutions liées au patrimoine culturel, notamment l’Institut national d’histoire de l’art. Le grand candélabre disparu depuis 1916 est remplacé par une fonte en bronze de l’Eurydice de Nanteuil.

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