Stéphanie de VIRIEU (1785-1873)

La Mort au masque, vers 1819-1823
Crayon, lavis d’encre et gouache blanche sur papier beige
17,2 x 20,6 cm
Provenance : ensemble de dessins par Stéphanie de Virieu ayant appartenu à ses neveux

Stéphanie de Virieu, amie d’Alphonse de Lamartine, est en prise directe avec le virage romantique des arts à son époque. Marquée par les exécutions sur l’échafaud de la période révolutionnaire et le décès de son père, elle développe dans certaines de ses œuvres graphiques un rapport particulier à la mort. Au centre d’une feuille au décor tout juste esquissé, une élégante jeune femme, assise sur une banquette, détourne le regard et repousse de ses mains une figure qui vient vers elle. Vêtue d’une large tunique, la Mort se présente en retirant son masque, laissant ainsi apparaître une tête squelettique. Tracée d’un geste rapide au crayon, la com- position est relevée d’encre et de gouache blanche. Probable autoportrait symbolique, la jeune femme doit exprimer, dans une attitude théâtrale, les peurs profondes de l’auteur.

Avec ce dessin et d’autres feuilles de la même série, Stéphanie de Virieu s’essaye au genre fantastique. Né en Angleterre avec les premiers romans gothiques, ce genre se développe dans toute l’Europe depuis la fin du XVIIIe siècle. Le Moine de Matthew Gregory Lewis, publié en 1796 puis traduit en français l’année suivante, connaît une large diffusion. Située dans l’Espagne du XVIIe siècle, l’histoire est celle d’un moine cruel qui pactise avec le diable pour se livrer à la débauche. Cette confrontation entre l’homme et le démon se retrouvera dans le Faust de Goethe publié en 1808. En peinture, les Anglais William Blake et Johann Heinrich Füssli apparaîssent comme des précurseurs. Dans une lettre adressée à son frère Aymon en janvier 1824, Stéphanie de Virieu reconnaît son appétence pour les romans noirs et an- nonce : « Je t’assure que je ne ferai plus de sujets tirés de romans ni d’autres drogues semblables. Je ferai, si Dieu me prête vie, ou tâcherai de faire ce qui sera beau ». Ce message semble marquer l’arrêt d’un genre dans lequel Stéphanie excelle pourtant.

Des années plus tard, alors que son neveu Alphonse vient de confier la rénovation du château familial de Pupetières au célèbre architecte Eugène Viollet-le-Duc, Stéphanie décide de s’occuper de certains décors intérieurs. Pour l’une des chambres, elle renoue avec le genre fantastique de sa jeunesse en agrémentant les plafonds de scènes macabres. Peintes en rouge et noir, ces diableries donnent leur nom à la pièce toujours visible aujourd’hui : « la chambre des diables ».

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