Jacques-Edme DUMONT (1761-1844)

Pendule représentant Jean de La Fontaine (1621-1695), vers 1805-1810
Terre cuite
33 x 34,5 x 15 cm
Provenance : Pierre-Maximilien Delafontaine (1774-1860) ; sa vente, Paris, Me Hayaux du Tilly, 6 février 1861, n° 82 (comme « Une pendule en terre cuite représentant Lafontaine assis ») ; probablement racheté par un membre de la famille pour la somme de 175 fr. ; puis par descendance

Vendu

Né en 1761 à Paris, Jacques-Edme Dumont est le fils du sculpteur Edme Dumont (1720-1775)[1]. Dès l’âge de quatorze ans, le jeune homme se forme auprès d’Augustin Pajou (1730-1809), un artiste néoclassique de l’Académie royale. N’ayant obtenu que le deuxième prix de sculpture en 1783, Dumont doit attendre 1788 pour recevoir le premier Prix grâce à La Mort de Tarquin qui lui permet de gagner la Villa Médicis la même année. Rentré en France en 1793, il expose au Salon jusqu’en 1824. C’est véritablement sous l’Empire que sa carrière prend son envol grâce aux commandes officielles qu’il se voit confier. En 1808, il réalise la statue de Jean-Baptiste Colbert qui ornera le bas des gradins du palais Bourbon à Paris et qui se trouve désormais au rectorat de l’Académie de Reims (fig. 1). Pour cette réalisation prestigieuse, il exécute en terre cuite un petit modello conservé à Paris au musée Carnavalet (fig. 2)[2]. En parallèle de ses commandes publiques, Dumont travailla dès son retour d’Italie en 1793 avec plusieurs fondeurs de bronze ainsi que des orfèvres, tel Henry Auguste (1759-1816).

            Sous l’Empire, à l’apogée de sa carrière, Jacques-Edme Dumont sculpte une terre cuite représentant le célèbre auteur des Fables, Jean de La Fontaine (1621-1695), et devant intégrer un mécanisme de pendule. Stylistiquement, l’œuvre présente de nombreuses similarités avec son Jean-Baptiste Colbert en terre cuite. Habillé selon la mode du XVIIe siècle, le fabuliste est assis, son bras droit reposant sur le socle derrière lui, sa jambe droite passant au-dessus de la gauche et un rouleau dans sa main. Si le matériau renvoie à l’esquisse, le degré de détail et le raffinement en font une œuvre achevée. Pour réaliser sa sculpture, Jacques-Edme Dumont s’inspire ici clairement d’une sculpture de la « série des grands hommes » de Pierre Julien (1731-1804) (fig. 3). Commandée en 1781, le Jean de La Fontaine de Julien devait orner la Grande Galerie du Louvre. Exposée au Salon de 1785, la sculpture se démarque par l’absence de hiératisme typique des monuments commémoratifs ainsi que par la décontraction du modèle, qui croise ici ses jambes avec désinvolture. Contrairement à l’œuvre de Julien dans laquelle La Fontaine a pour attribut à ses pieds le renard de ses Fables, la sculpture de Dumont est ancrée dans le néoclassicisme de son époque, suggérant une datation vers 1805-1810 : le socle est géométrique ; la borne qui intègre le mécanisme est un bloc dépourvu d’ornement ; et il n’y a pas d’élément rappelant les Fables à ses pieds. La physionomie de Jean de La Fontaine est quant à elle reconnaissable. Si l’horloger n’a pu être à ce jour identifié, le cadran guilloché et le mécanisme sont à rapprocher de la production d’horloge et de boîtiers de montre de la maison Breguet à la même époque.

            La pendule a appartenu à Pierre-Maximilien Delafontaine sans qu’il n’y ait de parenté avec Jean de La Fontaine. Delafontaine était un ancien élève de Jacques-Louis David qui reprit, à la mort de son père, la fonderie familiale. Dans le catalogue de sa vente après décès, en 1861, la pendule est décrite sans mention de son auteur comme « Une pendule en terre cuite représentant Lafontaine [sic] assis » (n° 82). Elle obtient néanmoins un prix de vente de 175 francs, soit le montant le plus élevé parmi les objets d’art de la vacation. Entre la réalisation de l’œuvre et la vente, quelque cinquante ans se sont écoulés et l’identité de l’auteur se perdit. Parmi les autres objets présentés à l’encan se trouvaient également « Une statuette en terre cuite de Dumont, représentant la mort d’un oiseau pleurée par Ève » (n° 83) et « Une statuette en terre cuite de Jullien [sic], représentant Le Poussin assis » (n° 84). Jusqu’à nos jours, la famille de l’artiste conserva cette pendule avec plusieurs œuvres de Delafontaine. Si la correspondance de Delafontaine et Jacques-Louis David nous renseignent sur la vie du maître, peu d’éléments sont en revanche connus sur l’élève, notamment ses liens avec Julien et Dumont, ses contemporains, qui demeurent de l’ordre de la haute vraisemblance. Il est fort probable que cette pendule, qui n’a à notre connaissance été traduite ni en bronze ni en biscuit de Sèvres, ait été offerte par Dumont à Delafontaine comme gage d’amitié, tel un clin d’œil à l’homonymie entre le donataire et la figure représentée.

Fig 1

Fig 2

Fig 3


[1] Voir : Gustave Vattier, Une famille d’artistes : Les Dumont, Paris, 1890, pp. 47-96.

[2] James David Draper et Guilhem Scherf, Playing with fire. European Terracotta Models, 1740-1840, cat. exp., New York, Metropolitan Museum of Art, 28 janvier-25 avril 2004, Paris, musée du Louvre, 19 septembre 2003-5 janvier 2004, Stockholm, Nationalmuseum, 12 mai-29 août 2004, n° 22, pp. 54-56.

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