Thomas SHOTTER BOYS (1803-1874)

L’Église Saint-Laurent à Rouen, 1836
Mine de plomb sur papier
35,8 x 27,8 cm
Signé, localisé et daté en bas à droite Th. Boys. – Rouen 1836

Acquisition par le musée des Beaux-Arts de Rouen

Originaire de Pentonville près de Londres, Thomas Shot- ter Boys débute sa carrière comme graveur dans l’atelier de George Cooke. En 1823, il quitte l’Angleterre et voyage en Europe, découvrant pour la première fois Paris puis la Belgique. Sa rencontre avec Richard Parkes Bonington, un com- patriote alors dans la capitale française, l’incite à étudier la technique de l’aquarelle. Effrayé par la révolution de 1830, il rentre en Angleterre mais revient rapidement s’installer en France où, de passage à Rouen en 1836, il réalise de nombreux dessins. Là, Thomas Shotter Boys adopte une vision profondément romantique quand il croque les ruelles médiévales, les différents monuments anciens, et surtout les multiples églises de la ville.

Lorsqu’il s’arrête à l’entrée d’une rue étroite pour dessiner l’église Saint-Laurent, l’artiste augmente artificiellement la hauteur du monument en adoptant un point de vue très bas, presque au ras du sol, et offre à l’ensemble une impression aux limites du fantastique. Il exacerbe ce sentiment en capturant sur la feuille le vol d’oiseaux noirs qu’il fait passer derrière le clocher. Le bâtiment alors partiellement en ruine n’était plus voué au culte depuis 1791 et servait de garage aux voitures de louage. D’une pointe acérée, Shotter Boys reproduit les moindres détails qui composent le décor de l’architecture gothique avec le même soin qu’il porte à retranscrire ses transformations de fortune. Au pied de l’édifice, il saisit les silhouettes des passants qui lui rendent son échelle. Les pierres abandonnées au premier plan, laissées en réserve, éclairent la scène et contrastent avec le ciel largement hachuré qui s’assombrit et annonce l’orage. De retour à Londres en 1837, Shotter Boys rapporte un très grand nombre de dessins et d’aquarelles représentant les monuments et les rues inlassablement croqués durant son voyage. Une partie de ces dessins seront retranscrits en lithographie dans un recueil intitulé Picturesque architecture in Paris, Ghent, Antwerp, Rouen, etc. publié en 1839. La vue de l’église Saint-Laurent fait partie de ce recueil.

Ce monument essentiel au paysage urbain de la ville de Rouen, avec ses trente-sept mètres de haut, capte l’attention de nombreux autres artistes qui, parcourant la Normandie, passent par Rouen. Lewis John Wood, François-Antoine Bossuet et bien d’autres s’intéressent à cette ancienne église, une des plus marquantes de la ville aux cent clochers. Son entretien fut négligé jusqu’à ce que la ville rachète le monument en 1893. Un premier musée, celui d’art normand, s’y installe en 1911 pour célébrer le millénaire de la Norman- die. Le célèbre photographe Henri Le Secq fit une donation importante au musée, composée essentiellement de pièces de ferronnerie. Par la suite, son fils compléta la collection familiale et en fit don au musée qui prit le nom de Le Secq des Tournelles en 1921.