Édouard-Auguste NOUSVEAUX (1811-1867)
Exposition de cadavres à Aura ; coutume établie sur toute la Côte-d’Or, 1845
Aquarelle
27 x 41 cm
Signé et daté en bas à gauche Nousveaux 1845
Vendu
Derrière un épais rideau de nuages, la lune perce l’obscurité et éclaire le paysage d’une lumière théâtrale. Au-delà des eaux calmes prises au piège d’une crique bordée de rochers, les silhouettes d’une dizaine de volatiles dansent sur la plaine. Les ailes déployées, ces oiseaux noirs survolent de fragiles constructions de bois à la fonction énigmatique. L’ambiance bleutée teinte l’œuvre d’une part de fantastique qui évoque les décors d’opéras romantiques les plus sombres. La scène décrit cependant une tradition aussi réelle que funeste : dans certaines régions d’Afrique de l’Ouest, lorsqu’un homme se trouvait dans l’impossibilité de payer une dette, il pou- vait con er un esclave à son créancier le temps de réunir la somme empruntée. Si l’esclave venait à mourir avant le complet remboursement, son cadavre était livré en pâture aux charognards. Cette exposition sur des structures en pilotis de bois entraînait le déshonneur du débiteur et de la famille du défunt qui ne pouvait lui offrir de sépulture décente.
Édouard-Auguste Nousveaux compose cette aquarelle au retour de son premier voyage en Afrique. Sollicité par la Marine pour remplacer le peintre Stanislas Darondeau décédé des suites d’une maladie contractée au Sénégal, Nousveaux embarque à 31 ans avec la mission d’exploration du capitaine Bouët. Sa tâche consiste alors en la réalisation du plus grand nombre d’aquarelles et de dessins propres à illustrer l’album de l’expédition en vue de sa publication. Formé à l’École des Beaux-Arts de Paris, le peintre participe aux salons de- puis 1831. Il s’était fait remarquer dès 1834 pour la qualité de ses paysages dont le goût exotique avait surpris certains critiques. À son retour d’Afrique, il présente neuf aquarelles et deux peintures inspirées par son voyage au Sénégal pour le Salon de 1845. L’une d’elles, exposée sous le numéro 1271 et aujourd’hui conservée au musée Rolin à Autun, reprend exactement le sujet et la composition de l’aquarelle illustrant l’Exposition de cadavres à Aura. Elle servira également de modèle pour une gravure publiée en 1890 dans l’ouvrage du Colonel Frey intitulé Côte occidentale d’Afrique. La planche est à cette occasion indiquée avoir été réalisée d’après une aquarelle inédite de Nousveaux.
Le peintre cesse de participer au Salon après 1848 et se consacre aux voyages tout en collaborant avec des périodiques tels que Le Magasin pittoresque, Le Tour du monde ou L’Illustration. Il décède à Paris en 1867 au retour d’une ultime expédition. Longtemps après la disparition de leur auteur, ses œuvres sénégalaises continuent d’être abondamment reproduites et participent jusque dans les années 1930, à la propagation d’une vision colonialiste faite de stéréotypes raciaux.