Francis TATTEGRAIN (1852-1915)

Le Désordre, 1878
Huile sur toile
50 x 61 cm
Daté au revers sur le châssis 5 janvier 1878

Vendu

Que s’est-il passé ? La pièce plongée dans la pénombre est à l’abandon. Son plafond de plâtre peu à peu s’est écaillé ; le parement de marbre de la cheminée a disparu et les fauteuils et chaises dégarnis occupent l’espace. La porte et les fenêtres dégondées pendent fragiles à leurs chambranles. La lumière qui pénètre péniblement par les carreaux et les volets brisés éclaire quelques gravures illisibles aux larges marges blanches, toujours accrochées sur le mur. Seul un christ, disposé sur le dessus d’un secrétaire fermé, se dresse encore fixé sur sa croix et n’a pas chancelé au milieu du désordre. L’œuvre est datée sur le châssis du 5 janvier 1878. Aux premiers jours de cette nouvelle année, Francis Tattegrain n’a que vingt-six ans. Originaire de Péronne dans la Somme, le peintre est le troisième fils de Charles-Louis Tattegrain, magistrat, président du Tribunal d’Amiens. Passionné par le dessin et la peinture depuis l’adolescence, le jeune Francis rencontre à l’occasion de vacances à Berck en compagnie de ses parents, un peintre amateur proche d’Edgar Degas, le comte Ludovic-Napoléon Lepic. Sur les conseils de ce dernier, il obtient de son père l’autorisation de suivre une formation artistique en parallèle de ses études de droit et s’inscrit à l’Académie Julian où il a pour maîtres Jules Lefebvre et Gustave Boulanger. Dès 1875, il débute au Salon avec une gravure à l’eau-forte représentant le passage du Blanc Pignon à Amiens. Son frère aîné, Georges-Gabriel, embrasse une carrière de sculpteur à la même époque et expose plusieurs portraits en plâtre. Rien dans la biographie du peintre ni dans les gazettes du temps ne semble pouvoir éclairer le sujet de cette peinture. Son traitement en grisaille évoque la noirceur de l’eau-forte à laquelle s’adonnait préalablement l’artiste. L’existence d’un dessin préparatoire de même format montre le souci appuyé de Tattegrain pour l’étude de la perspective. Probable mise en pratique des leçons reçues à l’académie, cette œuvre d’un format et d’un degré d’achèvement qui exclut le simple exercice annonce déjà les préoccupations naturalistes du peintre. Sa carrière, qui débute réellement l’année suivante au Salon de 1879 avec l’exposition de deux peintures, sera presque tout entière consacrée à l’illustration de la vie pénible des marins. L’Épave humaine, une toile conservée au château-musée de Boulogne-sur-Mer, transpose sur la plage, avec la même absence de couleur, ce sentiment d’abandon et de destruction déjà présent dans Le Désordre.

Nous tenons à remercier Madame Claire Montaigne, spécialiste de l’artiste, pour ses conseils dans la rédaction de cette notice.

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