Esquisse pour La Fiancée de Corinthe, vers 1852
Huile sur toile
17,5 x 22,5 cm, à vue 14,5 x 19,5 cm
Acquisition par le musée des Beaux-Arts de Rennes
Le peintre Félix Armand Jobbé-Duval appartient à une dynastie d’artistes d’origine rennaise. Il se forme à l’École des Beaux-Arts de Paris dans les ateliers de Paul Delaroche puis de Charles Gleyre à partir de 1843. Ses multiples échecs au concours du Prix de Rome ne l’empêchent pas d’exposer au Salon dès 1841. Les sujets des œuvres qu’il présente alternent portraits, scènes de genre historique ou religieuse et thèmes d’inspiration littéraire. En 1845, il puise pour la première fois dans l’œuvre de Goethe pour sa Marguerite dans le jardin de Marthe tirée du Faust. C’est de nouveau chez l’auteur allemand que Jobbé-Duval va chercher la source de son inspiration pour sa participation au Salon de 1852. Le sujet de La Fiancée de Corinthe trouve son origine dans Le Livre des merveilles du chroniqueur grec Phlegon de Tralles au IIè siècle. Véritable histoire de vampire, traitant du conflit entre paganisme et christianisme, le texte de Goethe est un modèle de la littérature gothique qui annonce le romantisme le plus sombre. Dans les premiers siècles de notre ère, une jeune femme profondément amoureuse est atteinte d’une maladie incurable qui la voue à une mort précoce. Sa mère récemment convertie au christianisme l’éloigne de son fiancé en lui imposant de vivre ses derniers instants recluse au sein d’un ordre religieux. Après son décès, l’héroïne revient d’entre les morts pour vivre son amour et hanter sa mère qu’elle rend responsable de son malheur. L’œuvre de Jobbé-Duval et l’esquisse qui lui est préparatoire représentent le beau fiancé redressé sur son lit, serrant contre lui sa promise revenue du trépas. Assise sur la droite, la mère fautive cache son visage entre ses bras. La pièce au décor d’inspiration antique est plongée dans la pénombre. Une lampe à huile sur la gauche éclaire les corps blanchâtres des deux amants dont la nudité, autant masquée que dévoilée, confère à l’œuvre une importante charge érotique déjà présente dans le texte de Goethe. Les critiques de l’époque furent sévères envers le tableau définitif, lui reprochant non pas des faiblesses techniques, mais de mal illustrer son sujet que seuls les quelques vers de Goethe ajoutés au livret du Salon permettaient d’identifier. Le thème de l’amour charnel survivant à la mort, mis en opposition avec la résurrection du Christ, avait déjà été repris dans la nouvelle La Morte amoureuse publiée par Théophile Gautier en 1836 et n’était pas fait pour plaire aux institutions chrétiennes d’alors. Le tableau, aujourd’hui exposé au musée de Rennes, est au centre d’une large remise en lumière de l’œuvre de Félix Jobbé-Duval. Parallèlement à sa carrière artistique, l’homme joua un rôle politique tant au niveau national que dans sa région natale.