Un Augure, 1861
Crayon sur papier
14,3 x 14,2 cm
Signé et titré en bas à droite JL. Gérôme – Tableau des augures
Provenance : ancienne collection Doré-Graslin
Acquisition par la Fondation Custodia
« On connaît depuis longtemps ce mot de Caton, qui s’étonnait qu’un augure ne se mette pas à rire lorsqu’il voyait un autre augure ». Ce passage du De divinatione de Cicéron a inspiré le peintre Jean-Léon Gérôme pour le sujet d’une toile qu’il expose au Salon de 1861. Dans cette œuvre, deux augures, dont la charge était d’observer la manière dont mangeaient les poules sacrées pour en tirer des présages, se font face. Le plus âgé, coiffé d’un étrange chapeau à pointe, est posté debout sur la droite, une baguette à la main. Le second se retient aux gaines de marbre qui supportent les cages à poules, en explosant d’un rire forcé. Le dessin préparatoire pour le visage de cette deuxième figure s’apparente aux études d’expressions. Au XVIIe siècle, Charles Lebrun avait réalisé une série de dessins dont l’objet était l’analyse des expressions humaines. Le désir, la joie, la douleur et les autres sentiments choisis étaient représentés alternativement par des figures féminines ou masculines, jeunes ou âgées. Pour le rire, Lebrun représenta un jeune homme, la tête inclinée et les yeux plissés, desserrant les lèvres pour montrer ses dents. Gérôme choisit d’illustrer non pas un simple rire mais un véritable « fou-rire ». Le dessin, par nature silencieux, parvient à exprimer grâce au visage bouche grande ouverte, un rire bien sonore.
Lors de la présentation des Augures, Jean-Léon Gérôme expose depuis presque quinze ans au Salon. Ancien élève de Paul Delaroche il a connu son premier succès en 1847 avec Jeunes Grecs faisant battre des coqs. Chef de file du mouvement néo-grec, il alterne les sujets, historiques, mythologiques et religieux avec une science du détail archéologique qui lui vaut les moqueries de Champfleury et Baudelaire. Pour le Salon de 1861, en plus de la toile des Deux Augures, il expose Phryné devant l’aréopage et Socrate venant chercher Alcibiade chez Aspasie, trois sujets inspirés directement de l’antiquité. Contrairement à l’idée reçue, qui fait encore trop souvent passer le peintre pour un artiste pompier par excellence et le symbole du conservatisme face à la modernité, Jean-Léon Gérôme ne manquait pas d’humour comme peuvent en attester ces deux augures.
La grande rétrospective consacrée au peintre par le musée d’Orsay en 2010 s’achevait par une toile réalisée deux ans avant sa mort. Cette peinture singulière ne manqua pas de faire sourire le public. Représentant un petit chien dressé sur ses pattes arrière et portant un monocle, l’artiste avait titré ce projet d’enseigne « O PTI CIEN » sous l’animal. À droite sur le fond bleu, il avait signé son œuvre d’un « J.L GEROME BARBOUILLANT ANNO DOMINI 1902 », ajoutant au jeu de mot, une part d’autodérision.