Crique du fort de la Varde près de Saint-Malo, vers 1854-55
Gouache et aquarelle sur papier
17,8 x 25,1 cm
Cachet de la vente Isabey en bas à droite (L.1401b)
Acquisition par la Fondation Custodia
Fils du peintre Jean-Baptiste Isabey, Eugène s’illustre comme l’un des meilleurs peintres de sa génération. Proche de Delacroix et Bonington il fréquente très jeune les cénacles romantiques. Sa première vocation qui le guidait vers la navigation trouve finalement un exutoire dans la peinture de marine. Se dégageant de l’influence des maîtres du genre, il peint la mer pour elle-même, reléguant les détails narratifs à de simples prétextes. Dès 1824, il voyage en Bretagne et en Normandie, puis à partir de 1850, effectue plusieurs séjours près de Saint-Malo. Là, il trouve dans chaque détail, rochers, ports, remparts, gréements et carènes, les sujets pour une série d’aquarelles. Napoléon III, séduit par cet ensemble d’une centaine de feuilles, fait acquérir par le Louvre une sélection de 64 d’entre elles pour la somme de 10.000 francs, soit un dixième du budget des achats sur la liste civile de l’Empereur. Le reste de la série est conservé par son auteur jusqu’à sa mort et sera dispersé à l’occasion de la vente après décès.
La petite crique du fort de la Varde à Saint-Malo se situe entre la plage du Pont et la pointe de la Varde où domine le fort de l’Arboulé en ruine depuis le XVIIIe siècle. Son accès, pour le moins périlleux, a préservé jusqu’à aujourd’hui l’aspect sauvage du site. Mélange d’aquarelle et de gouache, l’œuvre est un « presque tableau ». Isabey, installé au pied des rochers avec son matériel, a choisi de concentrer sa composition sur l’aspect minéral du site, ignorant la mer et ne laissant apparaître qu’un mince coin de ciel en haut à droite. Le sable blanc de la plage, grisé par l’ombre des falaises massives, est parsemé d’éclats lumineux affleurants qui s’accrochent sur les pierres ou scintillent sur l’arête d’un rocher. Une bande brune de terre au premier plan s’éclaire des mousses et des algues vertes venues se déposer avec le temps.
Les œuvres d’Eugène Isabey, qu’elles soient peintes ou dessinées, annoncent souvent l’impressionnisme. L’apparente spontanéité de sa technique et la vivacité de ses tons ont influencé des peintres tels que Monet ou Sisley par l’intermédiaire d’Eugène Boudin qui fréquentait son atelier et se revendiquait comme son élève.