Charles LEFEBVRE (1805-1882)

Le Jugement dernier, 1836
Lavis d’encre et gouache sur papier
26,5 x 20 cm
Titré et daté sur le montage Jugement dernier 1836

Vendu

Élève de Gros et d’Abel de Pujol, Charles Lefebvre débute au Salon de 1827 et obtient une médaille de deuxième classe en 1833. Déçu de ne recevoir que peu d’écho malgré ses efforts et ses récompenses officielles, il décide d’exposer en 1836 une toile de très grandes dimensions à la composition ambitieuse. À cette fin, il choisit de s’inspirer d’un passage du livre de Joël dans L’Ancien Testament. Le prophète du VIIe siècle avant notre ère annonce le jugement des peuples par Yahvé dans la vallée de Josaphat. Cet épisode cité par Pierre le jour de la Pentecôte et par Paul dans L’Epître aux Romains, préfigure Le Jugement dernier tel qu’il sera décrit par saint Jean dans L’Apocalypse.

L’artiste, qui prévoit de travailler sur une toile de six mètres de hauteur par quatre mètres soixante-dix de large, installe sur son dessin préparatoire les grandes lignes de sa composition définitive. Mélangeant lavis d’encre, fusain et gouache blanche sur un papier préparé en beige, Lefebvre parvient déjà à restituer l’ambiance ténébreuse qu’appelle son sujet. Dans la partie inférieure, hommes, femmes et enfants se contorsionnent de douleur, hurlent vers le ciel ou cachent leurs visages entre leurs mains. Le chapitre supérieur, cintré, est occupé par les anges de l’Apocalypse, au nombre de sept, entourant, trompettes à la main, un huitième ange qui debout présente un livre ouvert en direction du spectateur. Les deux groupes, humain et céleste, sont séparés au centre par un sombre paysage ouvert vers le lointain jusqu’au soleil couchant. Une ville, cernée de remparts et située à gauche dans le dessin, disparaîtra dans la composition définitive pour laisser place à une large étendue couleur de sang. Si les sources d’inspiration artistique de l’auteur sont multiples, allant de Dante à la peinture flamande du XVIe siècle, l’influence des fresques de Michel-Ange semble dominer toutes les autres.

Il est très surprenant que malgré sa taille et son traitement spectaculaire, l’œuvre n’ait pas su retenir l’attention des critiques lors de son exposition au Salon de 1836. Charles Lefebvre, désespéré par ce silence, finit par écrire au ministre de l’Intérieur en sollicitant son aide : « Je compte sur cette scène de fin du monde, premier grand ouvrage qui m’a coûté les plus grands sacrifices […] pour me faire un nom parmi les artistes ». L’auteur ajoute à la fin de son courrier qu’il espère que l’œuvre sera acquise « pour orner une cathédrale ». Grâce à son insistance, ce souhait fut exaucé quelques mois après le Salon. L’État acheta la peinture (2 500 francs) et la fit envoyer à Quimper pour être installée dans la cathédrale. Décrochée en 1859 pour être restaurée par l’artiste, la toile, envoyée à Paris, ne reviendra pas à Quimper où l’évêque, qui la juge obscène, s’oppose à son retour. Finalement expédiée au musée d’Alençon, l’œuvre a depuis été encore une fois déplacée dans la cathédrale Notre-Dame d’Alençon où elle vient d’être restaurée.

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