Pierre-Alexandre WILLE (1748-1821)
Le Sermon, 1786
Encre sur papier
43,5 x 36,2 cm
Signé et daté sur la gauche P.A Wille filius del 1786
Vendu
Pierre-Alexandre Wille, surnommé « Wille fils » est un peintre et dessinateur français d’origine allemande. D’abord élève de son père, le graveur Jean-Georges Wille, il poursuit son apprentissage auprès de Jean-Baptiste Greuze et Joseph-Marie Vien. Dès son plus jeune âge, Wille fils grandit entouré par les gravures que son père collectionnait et accumulait dans son atelier. Juché au sommet d’une chaire richement décorée, le prédicateur déclame en associant le geste à la parole. La bouche largement ouverte au-dessus de sa barbe, il se penche en avant, une main levée et se retient fermement de l’autre à son promontoire. Face à lui, son auditoire serré a cessé de lutter contre l’ennui que provoque le sermon du prélat. Femmes, enfants, hommes en perruques poudrées, tous l’ignorent, plongés dans un profond sommeil. À l’arrière-plan, adossée à une colonne monumentale, une stèle funéraire est ornée en son sommet de la sculpture d’un jeune enfant, visiblement assis sur un pot de chambre. L’ensemble, tracé énergiquement à l’encre, se développe sur une feuille de grand format, dans un choix de composition complexe. L’acuité acérée, avec laquelle Wille a su saisir les expressions de chacun des personnages, contraste avec la spontanéité sans repentir du traitement des éléments de décor. Si la caricature se veut amusante et prête à sourire, elle n’en est pas moins édifiante du désintérêt moqueur que suscite le clergé à trois années de la Révolution française. Pierre-Alexandre Wille s’inspire vraisemblablement d’une gravure de jeunesse de William Hogarth, The sleeping Congregation, imprimée cinquante ans plus tôt. De compositions proches, bien qu’inversées, les deux œuvres illustrent un même propos : une assemblée de fidèles s’endormant à l’écoute d’un sermon. Le caractère fastidieux de la lecture par le prêtre anglican chez Hogarth contraste cependant avec l’énergie déployée par le catholique chez Wille. Cette œuvre à charge, clairement anticléricale, détone dans la production de Wille qui avait plus habitué son public à des représentations lissées de scènes de genre aux sujets moralisateurs, dans la suite de Greuze. En contrepoint, elle éclaire d’un regard nouveau les racines d’une adhésion de l’artiste aux causes révolutionnaires dès les premiers jours qui suivent la prise de la Bastille. Pierre-Alexandre s’engage dans la Garde nationale, jusqu’à atteindre le grade de commandant de division. Pendant cette pé- riode, il délaisse peu à peu son activité artistique. Jusqu’à sa mort, il ne consacre plus son talent qu’à la réalisation de quelques portraits de ses frères d’armes et amis ou à la capture de certains épisodes marquants de l’actualité.