Pierre-Luc-Charles CICERI (1782-1868)

Projet de décor pour Robert le Diable, vers 1831
Aquarelle
26 x 46 cm

Acquisition Bibliothèque-musée de l’Opéra de Paris

Le 21 novembre 1831 eut lieu à l’Opéra de Paris, salle Le Peletier, la première représentation de Robert le Diable. Opéra en cinq actes composé par Giacomo Meyerbeer sur un livret d’Eugène Scribe et Germain Delavigne, l’œuvre tire son propos d’une légende médiévale. L’histoire originale, dont la première version remonte au XIIIe siècle, redevient très populaire dans la première moitié du XIXe siècle. Robert, un chevalier élevé en tant que fils du duc de Normandie, occupe son existence en pillages et massacres. Un jour, pris de remords, il interroge sa mère sur ses origines et finit par apprendre un terrible secret : il est le fils du Diable. Il passera le reste de sa vie à expier ses péchés, se rendant à Rome pour rencontrer le pape qui le condamne à vivre tel un fou avec des chiens. Amoureux de la fille de l’empereur, Robert est finalement pardonné pour ses fautes passées et peut épouser la jeune femme. Meyerbeer et Scribe adaptent très librement cette légende qu’ils situent dans le royaume de Sicile et l’édulcorent sur de nombreux points. L’opéra rencontre un succès retentissant. Au-delà de la partition, nombreux sont ceux qui saluent les prodigieux décors conçus par Pierre-Luc-Charles Cicéri. Composés de six tableaux différents, aussi complexes que somptueux, ils puisent leur source dans l’architecture médié- vale. Le plus célèbre, celui du second tableau de l’acte III, est décrit comme « un cloître où se dressent plusieurs tombeaux, dont celui de sainte Rosalie ». Le projet très abouti, réalisé à l’aquarelle, montre une pièce ouverte à droite sur le jardin d’un cloître couvert de cyprès et se prolongeant sur la gauche par une profonde galerie. Les rinceaux de lierre et de glycine accrochés aux colonnes romanes laissent voir dans le lointain bleuté une succession d’arcades et un clocher monumental. Selon une mention ancienne, il semblerait que Cicéri se soit inspiré du cloître Saint-Trophime d’Arles pour ce décor. À l’époque, les journaux choisissent précisément ce passage de l’opéra pour illustrer leurs propos. De nombreuses gravures et lithographies présentent ce décor en particulier en y intégrant les acteurs et le rideau de scène, voire quelquefois l’espace de la salle et le public. La plus célèbre illustration contemporaine est une lithographie en couleur d’Eugène Cicéri (le fils de l’auteur). On peut y voir le personnage de Robert entouré de nombreuses figurantes vêtues de linceuls pour le Ballet des nonnes. En 1871, Edgar Degas assiste à la reprise de l’opéra dans les décors de Cicéri. Il choisit lui aussi, quarante-cinq ans après la première de l’œuvre de Meyerbeer, le passage emblématique du Ballet des nonnes comme sujet pour deux de ses peintures. La première version commandée par le baryton et collectionneur Jean-Baptiste Faure est reprise par Degas en 1876 qui souhaite la modifier. Refusant finalement de la retoucher, il peint une seconde peinture de même composition qu’il remet au chanteur.

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