Constance Marie CHARPENTIER (1767-1849)

La Mélancolie, vers 1805-1810
Huile sur toile
32,5 x 40,5 cm

Vendu

Constance Marie Charpentier, née Blondelu, fut élève de Wille et de David à la fin du XVIIIe siècle. Comme pour  les autres femmes peintres de son temps cette vocation ne va pas de soi et  on tente de la dissuader d’entreprendre de grandes toiles à sujet historique. Elle passera pourtant une année entière en 1787 à traiter sur un grand format le sujet d’Astyanax et Andromaque dans l’espoir de d’entrer à l’Académie. Bien que soutenue par David elle essuya un échec, mais poursuivit une carrière officielle jusqu’en 1819, année de sa dernière participation au Salon.

Belle sœur de Danton elle traversa la période révolutionnaire et la Terreur non sans dommage. Plusieurs membres de sa famille et de son entourage furent emprisonnés ou même guillotinés sur ordre de Robespierre.  Au cours de cette époque difficile elle fréquente peu l’atelier de David, mais ne perd pas espoir de rencontrer le succès. Elle expose régulièrement au Salon à partir de 1795 en se spécialisant dans les scènes de genre  morales et reçoit plusieurs commandes de portraits pendant la Révolution et l’Empire. Les portraits de sa main  qui nous sont parvenus, montrent autant l’influence de son maître,  qu’un indéniable talent personnel. Son obstination est enfin à récompensée au Salon de l’An IX, alors que Constance-Marie a 34 ans. Son premier et plus important succès eu lieu cette année là (1801) avec un tableau intitulé La Mélancolie. Celui-ci  est aujourd’hui conservé au Musée de Picardie à Amiens.  Son talent et la qualité de cette peinture furent salués par un critique resté anonyme qui la considérait comme une nouvelle artiste dans la « classe des femmes distinguées par leur talent ».

Un autre critique décrit l’œuvre sous la forme d’un poème qui résume le sujet et l’atmosphère du tableau :

« A l’ombre d’un saule pleureur,

Sur le bord d’une onde limpide,

Cette femme nous peint son cœur,

Dans un regard doux et timide,

On a du plaisir à rêver,

Près d’une femme si jolie,

Et ce tableau nous fait trouver,

Du charme à la mélancolie. »

Notre tableau est à mettre directement en rapport avec cette œuvre sans pouvoir être considéré comme une copie servile ou une redite à l’identique. En dehors du format réduit, plusieurs éléments différent avec la version de 1801: Le paysage d’arrière plan laisse une large ouverture sur le ciel dans l’angle supérieur droit et les branches du saule, plus jeunes, n’atteignent pas la surface du ruisseau. La jeune femme assise porte des chaussures de satin  à la mode du Directoire et non plus des spartiates à l’antique.

L’ensemble de ces différences se retrouve dans un tableau de petit format conservé encore aujourd’hui par les descendants de l’artiste et considéré comme la première pensée pour le tableau du Salon. Ces variations interdisent de fait l’idée d’une copie d’après l’œuvre du Musée d’Amiens montrée au public en 1801, mais permettent d’envisager que cette peinture soit une reprise autographe de la première composition  qui n’a jamais quitté l’artiste. La finesse d’exécution  ainsi que l’état d’achèvement attestent d’un désir de montrer cette peinture, ou de l’offrir. Le cadre d’origine  toujours présent va également dans ce sens.

L’étude de la toile et du châssis conjuguée à la présence d’une marque au pochoir de la maison Belot domicilié au 3 rue de l’arbre sec à Paris au revers de la toile, permettent de proposer une datation autour de 1805-1810.

Mélancolie 1801 Amiens

La Mélancolie de Madame Charpentier associant une figure à l’antique à un paysage déjà profondément romantique,  dépasse la simple vision allégorique et autobiographique de la place de la femme au sortir de la Révolution, et offre une synthèse entre le néo-classicisme de son maître David à qui elle emprunte certains éléments de Camile dans le Serment des Horaces, et du Romantisme naissant qui ne trouve son équivalent que dans la peinture anglaise de l’époque.

Constance Marie CHARPENTIER, La Mélancolie, 1801, Huile sur toile, 130 x 165 cm, Musée de Picardie, Amiens.

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