François Marius GRANET (1775-1849)

Héloïse sur le tombeau d’Abélard, vers 1817-1820
Aquarelle sur papier
13,7 x 12,3 cm
Provenance : collection Jean-Baptiste Fauchon d’Henneville (1780-1856)

Vendu

À Paris, au début du XIIe siècle, Héloïse, une adolescente de seize ans, et Abélard, son professeur de philosophie, tombent éperdument amoureux. Fulbert, l’oncle et tuteur d’Héloïse, chanoine de Paris, s’oppose violemment à cette relation. Les amants ne pouvant se résoudre à la séparation décident de fuir. Enceinte, Héloïse accepte de se marier dans le plus grand secret mais son oncle, apprenant cette union, fait émasculer Abélard pour venger l’honneur de sa nièce. La jeune fille, qui n’a alors que dix-neuf ans, abandonne son enfant et prend le voile dans un couvent d’Argenteuil alors que son mari, devenu moine, fonde l’abbaye du Paraclet en Champagne. Jusqu’à la mort d’Abélard en 1142, les deux amants ne cessent de correspondre. Héloïse, qui entre-temps est devenue abbesse du Paraclet, fait transporter la dépouille d’Abélard dans son abbaye et demande à être placée à ses côtés le jour de sa propre mort. En 1164, le couple funeste est enfin réuni pour l’éternité dans un tombeau commun.  

L’histoire vraie d’Héloïse et Abélard connaît un regain d’intérêt à la fin du XVIIIe siècle. Alexandre Lenoir, fondateur du musée des Monuments français, fait déplacer les différents éléments du tombeau à Paris en 1800, puis fait construire un mausolée pour recevoir les corps des deux amants qui seront finalement déplacés au cimetière du Père-Lachaise en 1817. À cette époque, les artistes suivent de près les tribulations du tombeau et s’inspirent des épisodes de la vie d’Héloïse et Abélard. Le thème d’Héloïse devant le tombeau de son époux est l’un de ceux ayant eu le plus de succès. 

François Marius Granet fait partie de ceux qui s’intéressent à cette histoire. Formé comme Révoil et Ingres dans l’atelier de David, il décide rapidement de délaisser les sujets antiques et leur préfère le sombre confinement des intérieurs d’églises. Pour aborder l’épisode d’Héloïse au tombeau, il fait le choix d’une aquarelle de petit format. L’œuvre, très aboutie malgré sa taille, représente l’abbesse, debout devant le tombeau de son mari, relisant une lettre. La scène se déroule dans une chapelle basse de style gothique remplie de meubles et d’accessoires qui saturent la composition et accentuent l’effet de raffinement. L’œuvre s’ouvre vers un escalier par lequel une sœur s’éloigne, plongée dans une lumière bleutée. Sur le côté droit du tombeau, la mention latine « Hic iacet Abeilardus 1141 »(« Ci-gît Abélard 1141 »), gravée dans la pierre, comporte une erreur. L’artiste se trompe effectivement sur la date de la mort avancée d’une année. En 1838, Granet expose au Salon une peinture dont le titre, Abeilard s’éloignant de ses religieux pour lire une lettre d’Héloïse, résonne comme un écho à cette aquarelle.


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