Alfred ROLL (1846-1919)

Agar et Ismaël, vers 1895-1905
Pastel sur papier
30 x 23 cm
Signé en bas à gauche Roll

Vendu

Élève d’Henri Harpignies, Alfred Roll s’inscrit à l’École des Beaux-Arts de Paris où il étudie dans les ateliers de Jean-Léon Gérôme et Léon Bonnat. Il expose pour la première fois au Salon en 1870 et présente à cette occasion deux paysages : Environs de Baccarat et Le Soir. Ces deux premières peintures sont encore fortement influencées par les œuvres d’Henri Harpignies. Peu de temps après, le déclenchement de la guerre franco-prussienne conduit le jeune artiste de vingt-quatre ans sur le champ de bataille. Son Fuyard blessé exposé en 1872 conserve le souvenir sensible des combats. Malgré quelques œuvres d’inspiration mythologique ou littéraire, telles que Bacchante en 1873 et Don Juan et Haïdée l’année suivante, Alfred Roll, en fervent admirateur de Courbet, adopte rapidement une veine réaliste et rejoint les rangs des peintres naturalistes. 

Le naturalisme, mouvement pictural et littéraire influencé par les mutations sociales, se développe en France et dans toute l’Europe à la fin des années 1870. Dès lors, Roll met en scène sur ses toiles principalement des paysans et des ouvriers en ville comme à la campagne. En 1880, l’exposition d’une œuvre de grande dimension illustrant La Grève des mineurs attire sur lui le regard du public et l’intérêt du gouvernement. Devenu peintre officiel de la toute jeune Troisième République, il reçoit de nombreuses commandes de l’État pour des décors de bâtiments publics. Excellent dessinateur, Alfred Roll pratique le pastel depuis ses débuts. Ce médium fragile lui sert pour des œuvres abouties où la femme tient une place centrale. Si ses modèles s’étalent souvent dans leur nudité ou se dressent au milieu des champs, elles peuvent également être associées tendrement à la figure d’un enfant. 

Allongée au centre de la feuille, une femme lève les bras et pose une main sur son visage. Les yeux clos, elle semble épuisée ou désespérée. L’artiste a placé sur son ventre un enfant endormi, étrangement chaussé de bottines doublées. Les deux figures traitées dans des tons ocre et rose mêlés de bleu se détachent sur un fond vert absinthe. Cette composition s’intègre dans un ensemble d’œuvres réalisées par le peintre sur la maternité. Elle doit être rapprochée en particulier d’un pastel conservé au musée d’arts de Nantes, titré Agar et Ismaël. Pour ces deux œuvres, l’artiste s’inspire d’un sujet biblique : Agar dans le désert. Chassée avec son enfant Ismaël, fils illégitime d’Abraham, elle traverse le désert munie d’une simple gourde d’eau. Épuisée, la jeune femme finit par s’effondrer. Ils ne devront leur salut qu’à l’intervention d’un ange venu faire jaillir de l’eau au milieu du désert. Roll choisit de traiter le moment où Agar est au désespoir et craint de voir mourir son fils entre ses bras. Le peintre, qui a habillé sa figure biblique comme une blanchisseuse de son temps, offre au désespoir maternel d’Agar un éclairage social contemporain.


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