Les Carrières de Montmartre, vers 1794
Lavis d’encre, pierre noire et gouache sur papier
39 x 52,2 cm
Cachet du monteur ARD en bas à droite sur le montage (Lugt 172)
Acquisition par la Fondation Custodia, Paris
Fils d’un marchand plâtrier rouennais, le peintre Jean-Pierre Hoüel s’intéresse très tôt à la minéralogie. Suite à sa rencontre avec le naturaliste Jacques-Christophe Valmont de Bomare dans les années 1760, Hoüel dessine une « litholisation ». Le peintre s’y représente, accompagné de ses élèves, arpentant à cheval les environs de Paris en quête de pierres.
Hoüel séjourne à deux reprises en Italie. Lors de son premier voyage, il se rend à Rome, puis à Naples et découvre pour la première fois la Sicile de 1769 à 1772. Il retourne sur l’île de 1776 à 1779 et y peint des gouaches illustrant les particularités géologiques des paysages insulaires. Plusieurs œuvres réalisées pendant cette période attestent de l’intérêt répété du peintre pour la minéralogie. À son retour à Paris, Hoüel se consacre à la gravure à l’aquatinte et réalise deux cent soixante-quatre planches d’après ses gouaches qu’il publiera entre 1782 et 1787. En 1788, il peint l’intérieur du magasin de sel de la Ferme générale situé à Dieppedalle, près de Rouen. L’année suivante, il décide de s’engager activement dans les événements révolutionnaires et rejoint Paris. Chargé de réorganiser le Lycée des Arts, il s’implique dans ses fonctions et fréquente de nombreux savants. En 1794, il devient membre du Comité des salpêtres de l’Arsenal.
C’est probablement dans ce contexte que Hoüel est amené à se rendre dans les carrières de plâtre de Montmartre, au nord de Paris. Celles-ci sont exploitées depuis l’Antiquité pour l’abondance et la qualité de leur gypse. L’extraction de la roche montmartroise connaît un véritable essor au XVIIIe siècle sous la direction des abbesses de Montmartre qui en sont propriétaires. Pendant la Révolution, l’abbaye, mise en vente avec ses possessions, est acquise par un plâtrier qui transforme les différentes chapelles de la butte en fours à chaux. Dès lors, des scientifiques, tel Georges Cuvier, visitent le site à la recherche de curiosités géologiques ou de fossiles. Un dessin anonyme, mais daté de 1796 et conservé au musée du Louvre (RF 12305), permet d’attester la présence d’artistes dans les carrières en quête d’un motif pittoresque à la fin du XVIIIe siècle. La grande gouache non signée, que nous attribuons ici à Hoüel, date de cette époque et conserve le souvenir d’une visite en compagnie de quatre hommes élégamment vêtus qui inspectent et commentent les lieux avec intérêt. Leurs costumes correspondent à la mode de la fin du XVIIIe siècle. À leurs pieds, un ouvrier semble ramasser une pierre sous le regard attentif de l’un des visiteurs. Muni d’une pelle, un second manœuvre alimente un braséro sur la gauche alors que la silhouette d’un troisième est visible dans une ouverture au centre de la composition. Les circonstances de l’exécution de cette ambitieuse gouache ainsi que sa destination restent à découvrir.