Théodore GÉRICAULT (1791-1824)

Portrait-charge d’Eugène Lami, vers 1818-1819
Pierre noire sur papier calque marouflé sur carton
14,5 x 10,7 cm
Annoté en bas à droite sur le carton Eugène Lami
V

En 1818, Théodore Géricault est revenu d’Italie depuis un an. À Paris, il retrouve dans le quartier de la rue des Mar-tyrs la plupart de ses amis. L’un d’eux, Horace Vernet, tient son atelier à deux pas de chez lui. Géricault lui rend réguliè-rement visite et se lie avec nombre des élèves qui travaillent chez le maître. Selon les heures de la journée l’ambiance y est plus celle d’un cénacle que d’un lieu d’étude. Certains continuent de peindre, d’autres jouent à la boxe ou s’affrontent dans un duel à l’escrime ; on discute beaucoup, on fait de la musique. Au début des années 1820, Vernet nous a laissé une image saisissante de ce joyeux tintamarre. Si Géricault est absent de ce portrait de groupe, car probablement en Angleterre à cette époque, on peut reconnaître dans l’assemblée les jeunes peintres Alexis Ledieu, Robert-Fleury, An- toine Montfort et Pierre Lehoux mais également des voisins venus en amis comme le comte de Forbin. Au centre, appuyé sur une table, le peintre Eugène Lami joue de la trompette. Géricault et lui sont proches ; ils se voient régulièrement.

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À l’occasion d’un de ces moments de détente et de franche camaraderie, Théodore Géricault décide de croquer son jeune ami. En quelques coups de crayon tracés sur un bout de papier, il saisit l’attitude de l’artiste face à son chevalet. Représenté de pro l derrière une paire de binocles, l’artiste semble plongé dans une profonde concentration. Son cou en entonnoir, démesurément long, s’ajuste, serré au col, sur un costume trop cintré. Ses mains à peine esquissées tiennent la palette et une multitude de pinceaux. Depuis toujours, la caricature que l’on nomme également portrait-charge, est un rituel dans les ateliers de peintres. Théodore Géricault en a laissé un certain nombre dont quelques exemples sont conservés à l’Art Institute of Chicago. Horace Vernet était connu pour ses caricatures et l’une d’elles, conservée en collection privée, représente Eugène Lami en 1816, dans une attitude très proche de celle choisie par Géricault.

À la mort précoce de Géricault en 1824, ses amis les plus proches se retrouvent dans son atelier. Là, au fond d’un tiroir, ils découvrent parmi les papiers du maître cet amusant portrait d’Eugène Lami. Cette feuille et d’autres seront lithographiées l’année suivante et réunies au sein d’un recueil intitulé Fac-similé de dessins extraits des livres de croquis de Géricault et lithographiés par plusieurs artistes. Achille Devéria, chargé de la planche numéro 19, conserve en souvenir du maître ce des- sin qu’il a reproduit sur la pierre. Nous le retrouvons mentionné dans le catalogue de sa vente après décès, preuve que l’artiste y resta attaché toute sa vie.

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