Téofil KWIATKOWSKI (1809-1891)

Jeune Polonaise saisie par le froid, 1842
Huile sur toile
55 x 45 cm
Signé daté et localisé au revers de la toile :
T. Kwiatkowski – À Paris 1842 – Faub St-Honoré

Acquisition par le Musée de l’Immigration, Paris


Après des études à l’école des Beaux-Arts de Varsovie, Téofil, membre d’une famille noble polonaise, s’engage en novembre 1830 dans l’armée d’insurrection contre l’envahisseur russe. La défaite en septembre de l’année suivante le contraint à l’exil vers la France avec des milliers d’autres Polonais. Le voyage est long et Téofil traverse la Bohème et la Bavière pour atteindre le dépôt d’Avignon où il est parqué plusieurs mois avant de pouvoir rejoindre Paris. À son arrivée dans la capitale, il poursuit sa formation artistique auprès du peintre Ary Scheffer. Rapidement, il rencontre le poète Adam Mickiewicz et fait la connaissance du plus célèbre Polonais vivant à Paris : Frédéric Chopin. Kwiatkowski réalise de lui plusieurs portraits considérés comme les représentations les plus fidèles et les plus intimes du pianiste.

La jeune Polonaise saisie par le froid, peinte en 1842, semble s’abandonner comme évanouie sur la toile. Son visage aux traits idéalisés, enserré dans un foulard blanc, se détache d’un fond sombre d’où n’émergent que difficilement quelques branches de feuillage. Les yeux clos et les lèvres rougies, elle semble apaisée. Son vêtement, en velours épais doublé de fourrure, renvoie aux régions froides où a grandi le peintre et fait de cette image un souvenir nostalgique de sa lointaine Pologne. La toile évoque les portraits de jeunes femmes endormies de Pietro Rotari, peintre italien qui fit carrière à Vienne et à Dresde au XVIIIe siècle, et dont Téofil put voir certaines des œuvres durant son voyage en exil. Comme elles, la jeune Polonaise est teintée d’un subtil érotisme retenu mais bien présent. Téofil, qui se rattache au mouvement romantique par ses amitiés artistiques, propose ici une œuvre d’inspiration finalement assez classique. Le visage totalement épuré de la jeune fille qui s’inscrit dans un ovale parfait pourrait être qualifié d’ingresque. En 1842, date de ce portrait, Jean-Auguste-Dominique Ingres vient de rentrer de Rome. Il est au faîte de la gloire, et irradie l’art de son temps. On limite souvent l’art méconnu de Téofil Kwiatkowski à sa relation avec Chopin qui lui inspira certaines de ses œuvres les plus célèbres telles que Le Bal à l’hôtel Lambert, aujourd’hui conservée au musée de Poznan.

À la mort du pianiste, le 17 octobre 1849, Téofil exécute devant sa dépouille plusieurs dessins très émouvants. Il se lie également d’amitié avec Théophile Gautier qui lui rend hommage dans l’un des poèmes de son recueil Émaux et camées, paru en 1853. Un an plus tard, le peintre s’installe dans la région d’Avallon, où il poursuit une vie discrète jusqu’à sa mort en 1891.

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