Philippe-Auguste JEANRON (1808-1877)

Jeune femme allongée dans une grotte – Circé, vers 1848
Huile sur panneau
13,5 x 21 cm Signé en bas à droite Jeanron

Vendu

Proche de Delacroix, Philippe-Auguste Jeanron débute sa carrière au début des années 1830. Artiste politiquement engagé, il prend une part active au combat durant les Trois Glorieuses. Déçu par la monarchie de Juillet qu’il a aidée à mettre en place, l’artiste s’inscrit dans la veine réaliste et dé- peint les misères du peuple de Paris. Les premières œuvres peintes d’Honoré Daumier, qui fut son élève en 1836, lui doivent beaucoup. À la suite de la révolution de 1848, Jeanron accepte le poste de directeur du musée du Louvre et à ce titre réforme profondément le musée, qu’il organise en départements.

Cette même année, il exécute un ensemble de peintures pour le Salon qui marquent un tournant dans sa carrière. Il adoucit sa palette et évolue vers des sujets teintés d’érotisme. Les petits formats qui constituent cette nouvelle série sont intitulés Rêverie, Le Repos, Les Deux Colombes ou une Naïade et représentent des nymphes dénudées, allongées en pleine nature. Certaines œuvres d’esprit élégiaque, bien que non présentées au Salon de 1848, sont à rapprocher de cet ensemble. C’est le cas de Femme au bord de l’eau, que l’on pourrait interpréter comme une Ariane abandonnée, ou encore de cette Jeune femme allongée dans une grotte qui renvoie à la figure de Circé. Toutes ces figures féminines évoquent les œuvres de Chassériau et d’Ingres avant lui. La Jeune femme allongée dans une grotte a le visage perdu dans l’ombre et ne dévoile que le dos et les hanches d’un corps aux proportions exagérément longilignes. Elle semble conserver en cela le souvenir de La Grande Odalisque qu’Ingres peignit pour la reine de Naples en 1814. L’œuvre de petit format est esquissée sur un panneau d’acajou, dont la couleur ressort en réserve sur les parois de la grotte. Le corps, éclairé par des tons d’ocre et de rose chair, se détache au centre de la composition entre une bande verte évoquant un lit de végétation et le ciel aux couleurs du jour finissant. Regardant vers le lointain, la jeune femme scrute, telle Circé, le départ d’Ulysse sur l’horizon. Après avoir retenu son amant pendant une année, la séduisante sorcière, respectant sa promesse, laissa le héros repartir en quête d’Ithaque avec tout son équipage. Personnage à la fois terrible et envoûtant, Circé est une figure récurrente de l’histoire de l’art depuis l’antiquité.

Évincé du Louvre après l’élection du prince Louis Napoléon (futur Napoléon III) et remplacé par le comte de Nieuwerkerke, plus prompt à servir le pouvoir, Jeanron profita de ses quelques années à la tête de l’institution pour soutenir ses amis parmi lesquels le peintre Charles Jacque. Durant son bref mandat, il passa commande à Eugène Delacroix, son ami et modèle, d’une peinture pour orner le plafond de la galerie d’Apollon. Le musée de Calais, sous le commissariat de Marie-Martine Dubreuil, a consacré une exposition rétrospective à l’œuvre de Philippe-Auguste Jeanron en 2003.

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