Jean-Jules-Antoine LECOMTE du NOUŸ (1842-1923)

Étude d’homme de profil, vers 1870-1875
Pierre noire et craie blanche
29,5 x 21,5 cm
Signé en bas à gauche LECOMTE DU NOUY

Vendu

 Jules-Antoine Lecomte du Noüy fut successivement élève de Charles Gleyre, Émile Signol et Jean-Léon Gérôme. Si ses débuts sont marqués par des choix de sujets inspirés de l’histoire biblique et de l’Antiquité, c’est à Dante qu’il emprunte le thème de son premier tableau pour le Salon en 1863. Le peintre, qui n’a que vingt-et-un ans, choisit effectivement d’illustrer les amours de Francesca di Rimini et Paolo. L’année suivante, il entreprend plusieurs voyages qui lui permettent de découvrir l’Égypte puis la Grèce, la Turquie et la Roumanie. À son retour, ses œuvres alternent thèmes académiques et orientalistes à l’image de son dernier maître, Gérôme, mais en déviant son enseignement vers un maniérisme outré.

Le profil d’un jeune homme, tracé à la pierre noire, se détache sur un fond préparé en brun. La craie blanche qui cerne les traits de son visage et éclaire par hachures le haut de son torse, donne le sentiment qu’il tente d’échapper à la surface de la feuille où il est enfermé. Son regard dirigé vers le ciel et sa bouche entrouverte suggèrent un cri que nul ne peut entendre. Probable représentation d’un héros avançant bras tendu et le glaive à la main, cette étude ne semble avoir servi pour aucune composition aboutie de l’artiste. Elle peut être cependant rapprochée de la figure illustrant la vengeance dans le triptyque d’Homère mendiant, peint en 1881 et conservé au musée de Grenoble. Affublée d’une chevelure de Gorgone, les yeux grands ouverts et le bras tendant une torche, la Vengeance domine en hurlant la dépouille d’Hector gisant au bas du panneau latéral droit. Ce dessin permet également d’évoquer tel un préalable, une autre de ses œuvres emblématiques. Conservée au musée des Beaux-Arts d’Angers, Mourir pour la patrie, peinte en 1892, représente un soldat totalement nu, allongé sur un drapeau des armées du Second Empire, le reste de son équipement dispersé autour de lui. Cette nudité que rien ne justifie participe de l’incompréhension des intentions du peintre et fait de cette allégorie du sacrifice moderne une œuvre pour le moins incongrue.

Dessinateur virtuose, souvent cantonné au rôle d’un peintre orientaliste parmi tant d’autres, Lecomte du Noüy est presque totalement oublié aujourd’hui malgré la présence de plusieurs de ses toiles au musée d’Orsay et dans de nombreuses institutions françaises et étrangères. L’utilisation de certaines de ses œuvres comme illustration d’une forme de déviance dans l’académisme français du dernier quart du XIXe siècle occulte l’originalité de sa démarche ainsi que la part d’onirisme qu’il apporte à la peinture de son époque.

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