Gustave MOREAU (1826-1898)

Hérodiade et Salomé, vers 1894
Crayon, aquarelle et gouache sur papier végétal
13,7 x 15,5 cm
Signé en bas à gauche Gustave Moreau
Provenance : offert par l’artiste à José Maria de Heredia
Est joint avec le dessin une carte de visite avec envoi autographe de Gustave Moreau à José Maria de Heredia

Vendu

Selon les évangiles de saint Marc et saint Mathieu, Jean le Baptiste, qui avait osé critiquer publiquement l’union d’Hérode avec sa cousine Hérodiade, fut arrêté puis emprisonné. Hérodiade furieuse réclama la mort du saint homme à son époux qui, de peur d’un soulèvement populaire, refusa. Quelques temps plus tard, Hérode, subjugué par la beauté de Salomé dansant devant lui, promit de réaliser n’importe lequel de ses vœux. Profitant de l’occasion, Hérodiade demanda à sa fille de réclamer la tête de Jean-Baptiste. Une fois le saint décapité, Salomé fut chargée de rapporter sa tête sur un plateau. L’histoire de saint Jean-Baptiste fut plusieurs fois traitée par Gustave Moreau et Salomé apparait même de façon récurrente dans son œuvre.  On la retrouve dans L’Apparition, l’une des compositions les plus célèbres de l’artiste, traitée à la fois en peinture et à l’aquarelle dès 1875, mais également dans Salomé dansant devant Hérode et Salomé en prison deux toiles peintes en 1876 puis Salomé au Jardin en 1885.

Sur cette aquarelle inédite dessinée en 1894, Gustave Moreau représente Hérodiade allongée recevant la tête que lui apporte Salomé. Comme pour Le Poète et la sirène peint par Moreau l’année précédente, l’artiste change d’échelle pour chacune des figures. La mère est représentée beaucoup plus grande que sa fille ce qui conforte sa position dominante. Leurs corps tracés au crayon, sur le papier végétal laissé en réserve, sont relevés d’aquarelle. Hérodiade, nue, parée de bijoux, est coiffée d’un turban noué. Déportée sur la droite de la composition, Salomé est vêtue d’un simple pagne. Le fond aquarellé est traité, sur le modèle des paysages de Moreau, aux frontières de l’abstraction. Cette œuvre, en outre, semble découler d’une autre composition appelée Petite Dalila à l’ibis. De format très proche (18 x 18 cm) cette petite huile sur panneau montre Dalila allongée sur un lit dans une posture analogue de celle d’Hérodiade mais inversée par jeu de calque. Un même drapé blanc se répand sur le sol en retombant du sofa dans les deux compositions, peinte et dessinée. 

Le peintre partage sa fascination pour Hérodiade et Salomé avec les écrivains et les poètes de son temps. Mallarmé, son ami du Parnasse, consacre au thème une pièce poétique, Oscar Wilde une tragédie et Jules Massenet un opéra. Une anecdote rapporte que Stéphane Mallarmé, dans sa jeunesse, offrait par association phonétique des gravures représentant Hérodiade à son ami José Maria de Heredia. Une carte de visite de Gustave Moreau portant une mention manuscrite de l’auteur était fixée au revers de l’aquarelle. Adressée à Heredia, le peintre y félicite le poète pour son élection à l’Académie le 22 février 1894. Comme Mallarmé avant lui, Moreau offrit donc une Hérodiade à Heredia.

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