Eugène ISABEY (1803-1886)

Le Départ de la reine Victoria du Tréport, vers 1844
Huile sur toile
49 x 62 cm
Signé du monogramme en bas à gauche E.I
Au revers : étiquette numéro 582

Acquisition du Chateau d’EU

Lorsqu’en 1843 la jeune reine Victoria vient rendre une visite amicale à Louis-Philippe dans sa résidence d’été du château d’Eu en Normandie, elle débarque avec son mari et plus de trois cents membres d’équipage au Tréport. Cette rencontre officielle, qui prendra le nom d’Entente cordiale, débute le 2 septembre, dure cinq journées et s’achève par le départ de la reine le 7 septembre à huit heures du matin. Pour commémorer cet évènement historique, la France commandera plusieurs œuvres à différents artistes. Eugène Isabey, qui fut nommé peintre officiel de la Marine en 1830, réalisera deux grandes toiles et plusieurs aquarelles illustrant les différentes étapes du séjour de Victoria. La première œuvre, exposée au Salon de 1844, représente la réception de Louis Philippe sur le yacht de la reine en rade du Tréport, le jour de son arrivée. L’année suivante, un second tableau illustre le départ de la reine Victoria du Tréport le 7 septembre 1843, sous le numéro 861. Cette toile qui est commandée pour le musée historique de Versailles évoque le moment où Louis-Philippe raccompagne la reine à bord du Victoria and Albert. Il existe plusieurs peintures et aquarelles qui préparent ou répètent la composition exposée au Salon de 1845. Cette grande étude à l’huile présente des variations visibles avec l’œuvre définitive. En choisissant un cadrage légèrement resserré, le peintre offre davantage de monumentalité aux navires que dans la toile conservée à Versailles. Il abaisse la ligne d’horizon et laisse une large place au ciel chargé de nuages. Tout en se concentrant plus particulièrement sur les effets de texture, l’artiste s’attache à mêler la fumée blanche des tirs de canons à celle des vapeurs noires qui s’échappent de la cheminée d’un bateau à aubes. Finalement, seul le dais rouge vif de la chaloupe royale au premier plan rappelle le prétexte narratif de la composition. Avec virtuosité, Isabey met en avant dans cette esquisse des préoccupations proches des réflexions de William Turner sur le paysage. L’artiste anglais qui a peint la même année l’un de ses tableaux les plus célèbres, Rain, Steam and Speed (Pluie, Vapeur et Vitesse) avait eu une grande influence sur les paysagistes français de la génération d’Isabey. Sans atteindre le caractère iconique du tableau manifeste de Turner, l’étude pour Le Départ de la Reine d’Eugène Isabey annonce, sous de nombreux aspects, les recherches esthétiques que mèneront les impressionnistes. Eugène Boudin, qui fut l’élève d’Isabey, transmit à Claude Monet les leçons de son ami et maître. Elles s’exprimeront pleinement dans une œuvre telle qu’Impression soleil levant. Le manoir d’Anglesey Abbey, en Angleterre, conserve dans ses collections une autre étude de composition très proche et de même format, qui fut anciennement attribuée au peintre anglais Richard Parkes Bonington.

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