Gustave DORÉ (1832-1883)

L’Assemblée des animaux, 1848
Pierre noire sur papier
29 x 43 cm
Signé et daté en bas à gauche Gve Doré / 1848

Vendu

Les œuvres de jeunesse de Gustave Doré sont principalement des caricatures anthropomorphes. La tradition de s’abriter derrière des animaux pour faire passer une critique du pouvoir ou de la société date de l’Antiquité. L’animal pris comme miroir de l’homme est mis en scène par Ésope dans ses Fables dès le VIe siècle avant notre ère, puis repris dans le Roman de Renart au Moyen Âge. Ces fables sont actualisées en France par Jean de La Fontaine au XVIIe siècle. En peinture, le même principe s’applique dans les singeries depuis l’Antiquité égyptienne jusqu’au Parlement des singes de Banksy de nos jours. Grandville, qui inspire directement le jeune Doré, popularise le genre dans la première moitié du XIXe siècle.

L’Assemblée des animaux date de l’époque où Gustave Doré publie ses premières caricatures dans Le Journal pour rire dirigé par Charles Philippon. Sur une feuille de grand format, l’artiste représente à la pierre noire une cinquantaine d’animaux. Au centre, deux chiens, deux cigognes et un scarabée, tous armés d’une épée, font régner l’ordre. Un éléphant équipé d’une cloche domine la tribune où un perroquet et une oie s’invectivent. De part et d’autre, installés dans les gradins, d’autres animaux s’agitent bruyamment. Chacun d’entre eux – lion, tigre, bœuf, crapaud, abeille, lapin ou poisson – est clairement détaillé par le dessinateur. L’année 1848 est riche en événements propres à inspirer les caricaturistes. Louis-Philippe, ancienne victime de la presse satirique, vient d’abdiquer et cède sa place aux représentants de la toute jeune Deuxième République. À l’Assemblée, les députés de tous bords se battent pour désigner les membres d’un gouvernement provisoire en attendant l’élection d’un président. Le tumulte provoqué par ces séances, souvent interminables, est rapporté par les journaux qui s’en font quotidiennement l’écho. Pour railler la cacophonie du lieu, Doré s’amuse en inscrivant sur la tribune Pax veau biscum, travestissant ainsi le biblique Pax vobiscum (« Que la paix soit avec vous »). Même si la censure remise en place sous la monarchie de Juillet est immédiatement abolie, le jeune Doré choisit d’illustrer la confusion par le biais des animaux pour ne froisser personne et ne prendre aucun parti. Effectivement, l’artiste ne semble pas avoir cherché à associer chaque député à un animal en particulier. 

Peu de temps après, Gustave Doré cesse sa collaboration avec les journaux satiriques et abandonne le style anthropomorphe de ses premiers dessins pour se consacrer aux illustrations qui feront sa célébrité. Ses gravures pour les œuvres de Dante, Rabelais ou Cervantès restent encore aujourd’hui les modèles du genre. Vingt ans plus tard, il se tourne de nouveau vers la caricature anthropomorphe lorsqu’il illustre en 1868 les Fables de La Fontaine.


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