Julien Auguste HERVÉ (1854-1932)

Expressionnisme : l’Ancêtre, 1905
Huile sur toile
65 x 50 cm
Signé et daté en bas à gauche Julien Hervé / 1905
Exposition : Paris, 21e Salon des indépendants, 1905, n° 1915 ; Nantes, Galerie de l’école des Beaux-Arts, mai 1987, n° 15
Bibliographie : Exposition des indépendants, cat. exp., Paris, Grandes Serres de la ville de Paris, 24 mars-30 avril 1905, p. 115, n° 1915 ; Jacques Sauvageot, Julien Hervé a-t-il été le Maître de l’Expressionnisme ?, cat. exp., mai 1987, n° 15, pp. 4-19, ill. (intitulé par erreur « Expressionnisme, La tentation de St Antoine ») 
Provenance : fonds d’atelier de l’artiste ; Yolande Hervé (1895-1980), fille de l’artiste ; vente publique dans les années 1980 ; collection privée

« En 1896, le peintre Julien Hervé, qui n’avait été jusqu’alors qu’un vulgaire peintre, débute, en coup de tonnerre, comme Maître de l’Expressionnisme. » Par ces mots, Gustave Coquiot, dans Les Indépendants (1884-1920), publié en 1921, décrit le début de carrière d’un artiste aujourd’hui presque totalement oublié. Né à Basse-Indre en 1854, Julien Hervé fait ses études à l’École nationale supérieure des arts et métiers d’Angers. Après cinq années passées dans l’armée, il s’installe à Versailles en 1880 et trouve un emploi dans la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest. Comme peintre, il adhère en 1888 à la Société des artistes indépendants. Créé quatre ans plus tôt, le Salon des Indépendants avait pour vocation de réunir les œuvres d’artistes revendiquant une certaine liberté dans leur travail et se tenant en marge du Salon des Beaux-Arts dominé par l’académisme. À cette époque, Hervé devient professeur de dessin et tente de vivre de son art en exposant ses toiles chaque année. Les livrets du Salon listent une centaine de ses toiles : des paysages, des sujets mythologiques ou bibliques mais surtout des figures aux titres souvent évocateurs. Dédaigneuse, Mignonnette, Stupeur, Hargneux ou encore l’Ancêtre suggèrent des têtes d’expression qui éclairent peut-être les intentions du peintre et le choix du terme « Expressionnisme » qu’il fait précéder dans les titres de ses œuvres à partir de 1896. Gustave Coquiot nous raconte encore que le public « se dérange » au Salon de 1898 pour voir les œuvres de Julien Hervé qui rencontrent un véritable succès de curiosité à l’image de celles du Douanier Rousseau. 

Exposé au 21e Salon des Indépendants en 1905, Expressionnisme : L’Ancêtre représente un homme préhistorique. On ne peut qu’imaginer la stupeur du public face à une telle peinture. Le modèle barbu, à la chevelure rousse hirsute, nous regarde les yeux révulsés et la bouche ouverte. Cadré à mi-corps, torse nu, il lève le bras au-dessus de sa tête et nous menace avec un silex ensanglanté. Les traits de cet « ancêtre » semblent se retrouver, rajeunis, dans un autoportrait au pastel daté de 1880. En plus de lui-même, Hervé a dû trouver dans son entourage les autres modèles pour ses figures « expressionnistes » qu’il expose au Salon des Indépendants jusqu’en 1914. 

Après le décès du peintre en 1932, sa fille Yolande conserve l’ensemble de ses toiles jusqu’à leur dispersion à Nantes dans les années 1980. La timide redécouverte de son œuvre date de cette période et permit l’organisation d’une rétrospective à Nantes en 1987. La cinquantaine de peintures et les éléments biographiques réunis à l’occasion de cette exposition permettent de comprendre qu’il serait hasardeux et excessif de vouloir tisser des liens entre ce déroutant « Maître de l’Expressionnisme » oublié et le mouvement d’avant-garde qui vit le jour en Allemagne au début du XXe siècle.

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